Mon programme a Glasgow est un mélange de rencontres, visites, et de “shadow following” de Kay Munro, Law Subject Librarian de la University of Glasgow Library, dans diverses réunions de travail. J’ai également eu la chance d’une visite privée du Saltire Center et d’un entretien avec Angela Shapiro responsable du service d’effective learning, et Marion Kelt, responsable de l’équipe Health science and Business School subject librarian.
Je me contenterai ici de 9 cartes postales, sur des points qui m’ont intéressée et qui pourraient être applicables dans nos francaises BU.
Carte postale 1 : Rest and be thoughful
Point commun de la Glasgow University Library et du Saltire Center : au coeur de la BU, il y a un grand café, convivial, plein de canapés, de fauteuils, de tabourets, de tables basses, de distributeurs en tous genres (café équitable, tea, pommes, bananes, barres etc.) mais aussi d’un vrai service de petite restauration ouvert une grande partie de la journée.
Ca marche du feu de Dieu, c’est plein tout le temps, de gens qui mangent, mais surtout discutent, travaillent, viennent et restent à la bibliothèque des jours entiers, et s’y sentent visiblement chez eux.
Côte professionnel, c’est super pratique pour les rendez-vous informels avec les enseignants, génial pour recruter des usagers lambda pour des tests d’usability (à suivre).
Bref, visiblement, cher à aménager (autour de 2 millions de £ pour la refonte des 3e et 4e étages de la GUL, soit environ 2000 m2), mais, ici, pas de lamentation sur la baisse de fréquentation des BU. Et pourtant, sur les 2 campus, il y a des tas de cafétérias et espaces conviviaux en tout genre, tous plus chouettes les uns que les autres, mais ce sont ceux de la BU, en cette période d’examens, qui m’ont paru les plus pleins.
Bref, personne ne se pose la question de la légitimité d’un tel espace. Il existe, il est utilisé, and “that”s all, folks”.
Me demande maintenant comment négocier un escalier et un fonctionnement à horaires comparables entre la BU dont je m’occupe et la future extension de la cafétéria du RU sous la BU, si elle arrive un jour !
Carte postale 2 : Horaires d’ouverture 07:15 AM-02:00 AM
La Glasgow University Library est ouverte de 7:15 du matin à 2:00 du matin, le lendemain, 361 jours par an. Il faut imaginer 12 étages, d’environ 2000 m2 chacun…
En bref, comment font-ils ?
Durant l’année, en semaine :
De 9h à 17h, ouverture de tous les services, accueil, assistance informatique (plus de 900 PC + wi-fi), prêt/retour, paiement des amendes, renseignements bibliographiques, PEB (articles transmis par mail à la demande, gratuitement, si disponibles dans le réseau UK), fonds spécialisés, cartes, etc, avec l’ensemble de l’équipe de la bibliothèque (subjects librarians, enquiries, collection services, etc.), et 1 à 2 agents de sécurité “université” postés à l’accueil, 2 ou 3 patrouillant dans les zones “silence” et “quiet”, et un portique de contrôle d’accès lisant les codes barre des cartes d’étudiants. Ah oui, une équipe de ménage est également présente en permanence (personnels de l’Université aussi…)
De 17h à 20h, une équipe de soirée prend le relais, composée de personnels à temps très partiel : étudiants, mais aussi autres personnels de l’université désireux de faire des heures supplémentaires. Un équipe composée d’environ 25 personnes peut intervenir en soirée, mais la bibliotheque ouvre chaque soir avec 8 personnes, selon un planning élaboré chaque semaine :
- Un “supervisor”, différent chaque soir
- 3 “assistant librarians” (paiement des amendes, réservations, renseignements, débourrage d’imprimantes)
- 4 “stock assistants” (rangement des retours)
- 3 à 5 agents de sécurité (contrôle d’accès et rondes)
Cette équipe de soirée est formée aux tâches de base sur une journée, munie d’un dossier récapitulant les règles contractuelles et le fonctionnement courant, et encadrée par les supervisors, qui sont renouvelés moins fréquemment que le reste de l’equipe et sont explicitement chargés de ce management de proximité.
De 20h à 2h et de 7h à 9h, seuls 3 a à 5 gents de sécurité sont présents dans le bâtiment, un restant à l’entrée et veillant à ce que seuls les étudiants munis d’une carte entrent. Seuls les prêts retours sur automates sont possibles. La possibilité de payer les amendes directement en ligne est la seule demande récurrente des utilisateurs pour cette tranche horaire. En ce temps d’examens, la bibliothèque – je l’ai vu de mes yeux vu- est pleine à 23 h comme à 9 h…
Samedi et dimanche :
Configuration comparable à celle de la tranche 17h-20h, de 13 à 17h. Le reste du temps, ouverture en “services restreints” avec la seule équipe de sécurité.
Pendant les vacances universitaires (juin-juillet), passage en configuration minimale dès 17h.
Une combinaison de services de haute qualité en journée et une ouverture maximale ; les résultats de la dernière enquête Libqual sont éloquents : les étudiants sont satisfaits, très satisfaits, et j’aurais bien aime étudier ici, ou même y travailler comme bibliothécaire d’ailleurs, car tous les professionnels peuvent quitter les lieux avant 17 h tous les jours, s’ils le souhaitent ! Bref, un système stable, mature et qui satisfait toutes les parties.
Carte postale 3 : At Eleven PM
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et j’ai aimé :
- les détecteurs de présence qui n’allument les néons entre les rayonnages que quand quelqu’un passe
- la foule des étudiants en train de bosser, dans le silence aux étages silencieux, dans un très doux brouhaha au café, et tout ce monde qui sait ce qu’il fait là
- la courtoisie et la gentillesse du personnel de sécurité, avec qui j’ai discuté une petite demi-heure de l’organisation concrète de leur travail, et leur fierté d’être “de l’Université”
- y être, même de passage !
Carte postale 4 : petite boutique
Au bureau d’accueil de la Glasgow University Library, les étudiants peuvent acheter, à prix coûtant :
- des carnets A4, A5, A6
- des crayons
- des sacs de jute avec le logo “University of Glasgow Library”
Dans les prochains jours vont s’ajouter des clés usb, des petites thermos qui ferment, des surligneurs de couleur.
Environ 60 à 80 £ de recettes par jour, ce qui pour des petites choses à 50 pences (un peu plus cher pour les sacs de jute), montre que ce petit service est apprécié. Et nous sommes sur un campus où il y a plusieurs librairies papeteries.
J’ai bon espoir d’essayer, entre régie de recettes et tarifs à voter en conseil de la doc, à monter un petit service de ce genre, avec ce type d’offre, et en plus des feutres pour tableaux blancs effaçables et des antivols pour PC portables…
Carte postale 5 : Dans la bibliothèque de la Glasgow university il y a…
- des stalles avec banquettes, tables et écrans plats pour travailler ses présentations
- des tableaux blancs dans toutes les salles de travail de groupe
- un coin prières multiconfessionnel
- des millions de livres en accès libre
- des petits lieux conviviaux où s’étaler
- deux bureaux qui ferment pour les chercheurs en visite
- des bibliothécaires experts faciles à trouver (nom et compétence signalés à chaque étage thématique)
- deux ratons laveurs
- des grandes poubelles de tri sélectif
- des sèche mains Dyson et des porte manteaux dans les toilettes
- des toilettes à tous les étages
- des techniciens informatiques pour aider les usagers
- des scanners
- des imprimantes qui marchent depuis tous les PC dont une ou deux en couleur
- des photocopieurs qui agrafent les copies, font agrandissements et réduction et recto-verso
- un scanner-photocopieur couleur A0+++ pour les cartes et plans à tarif “étudiant”
- des fontaines à eau fraîche gratuites
- une équipe de nettoyage présente toute la journée
- des pianos et leurs casques d’écoute
- etc.
Carte postale 6 : Un café pour tes pensées
La bibliothèque en ligne à la UoGL n’est pas un produit fini et figé. L’équipe de la BU la considère comme un champ où tout peut et doit être amélioré pour offrir aux usagers plus de simplicité d’utilisation et de services.
Afin de ne pas construire la bibliothèque en ligne dans une tour d’ivoire, le lancement de nouveaux services (en ce moment la recherche fédérée) s’accompagne souvent d’une campagne de bêta-testing sous forme de tests d’”usability”.
Le groupe Usability in the library de The University of Michigan library, ou Steve Krug dans “Don’t make me think” ont bien formalisé ce que l’on peut en attendre et comment analyser ce type de test. Je n’entre donc pas dans cet aspect (fort intéressant et bien développé par ailleurs) des choses.
En pratique, quelqu’un de la BU (de préférence, un des plus jeunes membres de l’équipe), va s’installer au café de la BU ou de la maison des étudiants avec un portable, et offre un café et un scone (ou une barre Cadbury, ou une pomme…) aux étudiants qui veulent bien se prêter à l’enregistrement d’une séance de recherche.
Pour la recherche fédérée : l’étudiant est invité à faire la recherche de son choix en utilisant l’interface à tester. Le bibliothécaire ne dit rien pendant ce temps là, note juste l’année et le diplôme préparé, en anonymant les données. L’ordinateur est équipé de Camtasia, qui enregistre sous forme de vidéo tous les tâtonnements de l’étudiant et l’ensemble de sa recherche. A la fin, le bibliothécaire note si l’étudiant a jugé ou non la recherche fructueuse et lui demande s’il réutiliserait l’outil.
La semaine dernière, 30 “users experiences” ont été collectées sur la recherche fédérée (pour un budget d’environ 60 £) : l’équipe de développement visionne ensuite les vidéos, et peut en tirer les conclusions sur les points d’achoppement, les pistes d’amélioration, le ciblage du service. Pour la recherche fédérée, les tests mettent en évidence que les utilisateurs se contentent des premières réponses trouvées même si un biais du moteur envoie en premier des résultats JSTOR vieux de 15 ans, et souhaitent un service plus ciblé sur les ressources en texte intégral, ne sachant visiblement que faire à ce stade d’une simple référence bibliographique.
Un café pour tes pensées : fallait y penser (et c’est tellement bien avec des canapés confortables et du café frais)…
Carte postale 7 : How do I ? Une collection de modes d’emploi en vidéo
Depuis 9 mois, la UoGL construit une collection raisonnée de tutoriels animés, aussi diffusés sur un espace Youtube dédié, mais aussi sur Facebook : principaux contributeurs, les subjects librarians (au premier rang desquels Kay Munro), l’équipe chargée d’animer les séances information litteracy (composée de subjects librarians et d’assistant librarians), et l’équipe coordonnant les services publics.
L’unité de l’ensemble est assurée par une writing team, composée de volontaires de plusieurs services, qui s’assure toutes les semaines de l’unité de présentation de tous les contenus proposés sur les différentes pages de la BU, et entre autres, relit avant réalisation les scénarios des screencasts.
Afin d’emporter l’adhésion de la plupart des producteurs de tutoriels, pas de contrainte sur la marche à suivre : les uns rédigent entièrement un scénario et le commentaire destine à être lu, puis captent en direct avec Camstasia une vraie session de recherche (ce que la BU d’Angers prépare pour la rentrée prochaine avec Captivate), d’autres en restent à des powerpoints et des captures d’écran animées et commentées. En revanche tous les tutoriels doivent avoir une image d’introduction construite sur le même modèle, se terminer avec les coordonnées de la personne ressource sur le sujet et des remerciements.
Plus de 3000 vues en 9 mois pour la vidéo sur “How do I find Exam papers“, plus de 2000 pour la découverte de la BU : les plus généraux sont disponibles dès la page d’accueil de l’université, les spécialisés via les pages par sujet, par exemple pour le droit : http://www.gla.ac.uk/services/library/howtofindinformation/whatsyoursubject/law/lawvideos/, mais aussi disséminés là où c’est nécessaire.
Maîtres mots :
- Coller aux besoins des usagers, en s’appuyant sur l’expérience de l’équipe de service public et des formateurs, en recueillant l’avis des usagers et leur feedback en formation,
- Diviser les tutoriels longs et complexes en morceaux plus digestes (travail en cours) : préférer juxtaposer 4 tutoriels de 4 minutes qu’en proposer un seul de 16.
- S’adresser directement a l’usager, en enregistrant la session comme si un utilisateur était présent, en se présentant, en s’adressant à lui, en le remerciant à la fin en l’invitant en cas de besoin à prendre contact avec son interlocuteur de la vidéo.
- Disséminer : en réutilisant les liens vers les vidéos dans les demandes d’aide par mail, dans les cours sur Moodle, dans l’enseignement à distance, sur facebook, en les mettant en avant sur le site web, etc.
- Ne pas s’endormir sur ses lauriers
- Assurer l’accessibilité : en doublant toutes les videos d’un support imprimable qui reprend et synthétise les principaux contenus en mode texte
- Ne pas s’endormir sur ses lauriers
Carte postale 8 : Collection à deux vitesses
La bibliothèque de l’University of Glasgow est organisée en étages thématiques, qui accueillent des collections très étendues d’études (1,3 millions de livres en libre accès, empruntables 5 semaines renouvelables 5 fois), dans une présentation assez frustre. Au niveau “entrée” se trouve une collection de manuels en prêt court, où le multiexemplaire est roi et qui comprend 80 000 documents.
Au Saltire Center, même type d’organisation, des rayonnages bas et accessibles pour les collections de manuels en prêt court, réparties par étages thématiques et des compactus en libre accès pour le reste du fonds, plus specialises.
Ces ouvrages fortement demandés peuvent être empruntés pour une courte durée : 4h (équivalent des “exclus du prêt”), 24h, 7 jours maximum.
A la Glasgow University Library, un système paramétré dans Millenium permet de relancer automatiquement une commande lorsqu’un document a été emprunté plus de 6 fois ou lorsque plus de 3 lecteurs différents ont réservé un titre.
L’ensemble de la collection prêt court est équipée en RFID, utilisée pour les prêts sur automates, mais aussi et surtout pour reclasser les rayonnages, à l’aide de l’assistant d’inventaire et retrouver les exemplaires égarés ou cachés. L’assistant d’inventaire n’est d’ailleurs jamais utilisé pour recoler, mais seulement pour gérer au quotidien les problèmes de rangement.
Bon, on est dans un monde où la plupart des profs transmettent tous les ans à la BU la liste des ouvrages recommandés, avec le nombre d’étudiants concernés. Il est même question d’acheter un système, Talis Aspire, pour encore mieux intégrer les prescripteurs, et réguler offre et demande.
Et j’y pense, là où je travaille, toute notre collection pourrait être gérée comme la section “prêt court”, vu que les fonds d’études sont, hum, ne sont pas vraiment, en fait…
Carte postale 9 : Mauvaises herbes
A la UoG Library, la collection en prêt court est désherbée tous les étés (summer weeding). Tous les livres n’ayant fait l’objet d’aucun prêt depuis 3 ans (en projet 2 ans) sont éliminés. Environ 4000 livres sur la collection de 80 000 livres en prêt court sont désherbés chaque été, une autre partie étant ventilée vers les collections d’étude.
Les ouvrages ainsi arrachés à la collection ne sont pas jetés, mais mis en vente dans le hall de la BU, 5 £ pour les textbooks médicaux, 2 £ pour les hardbacks des autres disciplines, 1£ pour les paperbacks.
Et le croirez-vous, ça marche, ces livres d’occasion étant encore récents, et le flux de passages étant colossal. OK, ça fait un peu désordre dans le hall, et la valorisation in situ des collections vivantes n’est pas le point fort de la UoGL… hormis le travail fait sur les superbes collections anciennes et le colossal travail en ligne sur le catalogue, les bibliographies d’enseignants, l’integration dans Moodle et j’en oublie.
Ces cartes postales ont été publiée pour la première fois en 2010 : http://archives.face-ecran.fr/tag/le-grain-nacl2/#sthash.Jnoljqas.dpuf