Pour une fois, je ne vais pas bouder mon plaisir : le devoir est de bonne facture, avec une moyenne de 11,2. Sur les 36 copies, 24 ont plus de 10 et 4 ont entre 9 et 10.
Je suis très satisfait de constater que, sur les questions portant directement sur le cours, presque tout le monde est capable de donner une réponse correcte et argumentée. J’ai en particulier apprécié que les mécanismes des réactions classiques (addition de HBr ou de Br2 sur une double liaison) soient connus. J’ai également été agréablement surpris de constater que la discussion de la régiosélectivité à partir d’un diagramme d’énergie potentielle a été très largement bien faite, même si les esprits maléfiques (Hammond en l’occurrence) ont parfois été invoqués à tort et à travers (et surtout pour lui faire dire autre chose que ce qu’il a dit).
D’autre part, même si la deuxième partie, moins classique, a été moins réussie, j’ai lu beaucoup de choses pertinentes, qui montrent que, pour un grand nombre d’entre vous, les principes généraux de la réactivité en chimie organique sont compris. Ceci est de très bon augure pour la suite.
Malheureusement, il me faut ajouter quelques bémols. Le premier est classique : je le fais tous les ans après le premier devoir de chimie organique, et il porte sur l’écriture d’un mécanisme. Le second est tout aussi classique et concerne la stéréochimie.
Un mécanisme en chimie organique consiste à montrer, à l’aide de schéma, quels électrons sont mis en jeu et pour faire quoi. Le formalisme en usage actuellement est le suivant : une flèche représente un « mouvement » d’électrons (le terme est usuel mais trompeur), ou plus précisément représente la réorganisation des électrons au sein du système. Une flèche ne peut donc que partir d’un doublet d’électrons. En aucun cas une flèche ne représente le déplacement d’un atome ! Ce formalisme universellement admis, et vous devez vous y plier.
Un mécanisme sans schéma est incompréhensible et n’est rétribué par aucun point. De même, un schéma mécanistique dans lequel aucune flèche n’est indiquée n’est pas valide.
D’un point de vue moins formel, il est rare que plusieurs choses se déroulent en même temps sur une molécule. En particulier, faire arriver deux réactifs simultanément sur une même molécule est fort peu crédible. Dans la plupart des cas, il y a (au moins) deux étapes. D’autre part, il faut veiller à la vraisemblance de ce qu’on écrit : une molécule avec 2 lacunes (un double carbocation) est fort suspect !
J’ai été assez coulant sur les écritures des mécanisme, mais cela ne va pas perdurer. Dès le prochain devoir, je suis intraitable sur les règles d’écriture d’un mécanisme.
La stéréochimie des réactions vous a posé de gros problèmes. Savoir qu’il y a racémisation lors d’un passage par un carbocation, ou que l’addition de Br2 sur une doubles liaisons est diastéréospécifique, c’est bien. C’est cependant encore mieux lorsqu’on regarde un peu attentivement les molécules qu’on manipule. Par exemple, le composé B, obtenu par addition de HBr sur la double liaison exocyclique, n’a qu’un seul carbone asymétrique (celui qui porte Br ne l’est pas, il a deux groupes méthyle), et ce carbone est toujours (S) comme dans le limonène de départ (il n’a pas été affecté par la réaction). Il n’y a donc pas racémisation ! Le composé D était très vache, je l’avoue, puisqu’il est achiral mais obtenu sous forme de deux diastéréoisomères cis et trans.
C’est la même chose pour l’addition de Br2, qui ne formait qu’un seul carbone asymétrique (le Br en bout de chaine est sur un carbone non asymétrique), sachant que le C initialement (S) du limonène n’est pas affecté. On obtenait donc deux diastéréoisomères.
Concernant la première étape de la biosynthèse du limonène, avec la formation de I et de PPi, j’avoue que j’ai été assez surpris, d’une part que si peu d’entre vous aient remarqué que le carbocation formé est stabilisé par mésomérie (et que donc il n’est pas si instable), et que presque tout le monde m’a affirmé que l’ion PPi est très très instable car il a 4 charges négatives ! Là, je rigole, parce que, voyez-vous, l’ADN par exemple possède une charge négative par nucléotide, ce qui fait quand même une sacrée tripotée de charges négatives. Que je sache, cela ne rend pas la molécule d’ADN particulièrement fragile !
Dernière chose : lorsqu’on demande « quelle est la réactivité de PPi », on ne vous demande pas de dire qu’il est très très réactif, oh oui ! mais en tant que quoi il réagit. PPi a une réactivité de nucléophile (et non pas de base ou d’oxydant, ou d’électrophile, etc).
De même, lorsqu’on demande de dire pourquoi un acide est plus fort qu’un autre, dire que c’est parce que son pKa est plus petit, c’est de la paraphrase. Ca revient à dire qu’il est plus fort parce qu’il est plus fort. Ce qu’on demande, c’est pourquoi ?
Trois perles pour finir :
– 10×12+16 = 38 (ça sent la machine à calculer, avec le signe x qui s’est transformé en +) ;
– l’acide trifluoroacétique est une base forte,
– d’après la règle de Raskolnikov, le carbocation le plus stable … (une bise à celle qui me dit qui est ce Raskolnikov).