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Le monde lapin est en deuil

Tous les lapins, lapinophiles et lapinolâtres de la planète sont en deuil suite au décès de Richard Adams, romancier anglais mondialement connu pour son œuvre magistrale Watership Down (tout de même un million d’exemplaires vendus dans le monde), traduit en Français sous le titre Les Garennes de Watership Down, et qui vient d’être réédité dans une traduction nouvelle sous le titre Watership Down avec une très belle couverture (combien comporte-t-elle de lapins ?) chez un éditeur improbable Monsieur Toussaint Louverture.

Une bonne occasion pour lire (ou relire) cette pépite, de préférence dans la langue de Shakespeare (ça ne peut pas faire de mal), et une bise à celle qui me dit qui est Toussaint Louverture.

Un récit documentaire pas drôle

Je vous recommande ce récit documentaire, pas rigolo du tout (mais court) de Takiji Kobayashi, un journaliste et écrivain japonais d’entre les deux guerres : Le bateau-usine aux éditions Allia.

Le Bateau-usine

On peut ne pas forcément apprécier l’engagement de Kobayashi, un des derniers membre du parti communiste japonais, avant que celui-ci soit interdit dans les années 1930 et ses membres ne soient au choix : repentis et redevenus fidèle à l’empereur ou assassinés par le pouvoir (c’est cette dernière option pour ce qui concerne Kobayashi). Cet engagement transparait évidemment quelque peu dans le livre, mais pas plus que ça.

L’histoire raconte un épisode peu connu de l’histoire japonaise, et qui fait suite à la victoire du Japon sur la Russie en 1905. Le Japon a alors étendu son influence sur les îles au nord de l’archipel (qui seront reprises par l’Union Soviétique en 1945). Entre les deux guerres, il s’est déroulé une véritable guerre économique entre le Japon et l’URSS, le Japon ayant reconverti les navires de guerre pris aux russes en 1905 en bateau de pêche industrielle, chargés de piller les ressources marines (crabe en particulier) dans les eaux territoriales soviétiques. Les travailleurs de ces navires-usines étaient recrutés selon des contrats douteux et peu reluisants, et leurs conditions de travail plus qu’inadmissibles.

Ce n’est pas long, mais bien suffisant pour être convaincu qu’on vit quand même mieux aujourd’hui et ici.

Deux romans pour se détendre

Voilà bien longtemps que je n’ai embêté personne avec mes lectures. Pourtant j’ai réussi à lire quelques livres chouettes cet hiver.

Les éditions Actes Sud ont eu l’excellente idée de lancer une collection intitulée (un peu ridiculement d’ailleurs) L’ouest, le vrai (c’est mieux que de dire que c’est des histoires d’hommes, des vrais, mais c’est quand même ça l’idée). Donc, dans cette collection, on peut trouver les deux premiers tomes d’une trilogie apparemment célèbre aux Etats-Unis écrite par Alfred Bertram Guthrie : The Big Sky. Les parents de Guthrie ont participé à la conquête de l’ouest au debut du 20ème siècle, pas dans les premiers temps donc mais à une époque où le centre des Etats-Unis était encore relativement sauvage. Ses récits contiennent donc des informations de première main sur ce qu’a pu être la vie des premiers colons du côté des Montagnes Rocheuses.

Le premier tome, La captive aux yeux clairs (dont une partie a été portée au cinéma sous ce même nom) raconte l’histoire d’un tout jeune homme qui quitte le foyer paternel peu accueillant et s’engage dans une expédition (dirigée par un commerçant Français) consistant à remonter le Missouri en bateau pour essayer d’implanter des comptoirs. Afin de se protéger des Indiens (pas encore tous exterminés à cette époque, on est dans les années 1830), l’expédition détient la fille d’un chef Indien (belle comme il se doit). L’expédition est guidée par un trappeur, Dick Summers, qui sillonne le pays depuis 30 ans et le connait comme sa poche.

Le second tome, La Route de l’Ouest, raconte la traversée des Montagnes Rocheuses de la ville d’Independance (état du Missouri) jusqu’à Portland (dans l’Oregon donc sur la côte du Pacifique) par un convoi de colons guidé par le même Dick Summers, environ 10 ans après le tome précédent.

Outre que les histoires sont bien ficelées, ces deux livres sont très évocateurs de ce qu’a pu être ce pays avant la colonisation : des espaces quasiment infinis, presqu’intouchés et quasiment sans personne, même si, déjà en 1830 les trappeurs étaient frappés de la diminution drastique du gibier (en particulier les castors chassés pour les peaux).

Un très bon moment de lecture, et vivement la sortie du tome 3.

La Captive aux yeux clairs          La Route de l'Ouest

De la lecture en Anglais pour les vacances

Comme tous les ans, je signale à mes chers petits l’existence du site de l’université de Yale (donc pas tout à fait le premier site venu) consacré à l’environnement. On peut y voir des vidéo ou lire des articles en Anglais sur de multiples thèmes consacrés à la planète. Les derniers articles sont sur : la fermeture des centrales au charbon en Allemagne, la sécheresse en Californie, les causes des inondations en Inde, les projets pour construire un complexe hôtelier sur une des dernière île vierge des Caraïbes.

C’est vraiment passionnant et accessible en permanence à partir du bandeau à droite sur ce site : https://e360.yale.edu

Programme de lettres 2015 – 2016

Le programme de lettres paru officiellement en juin a pour thème :

Le monde des passions

Avec un thème pareil, on aurait pu s’attendre à des oeuvres un peu hardies (pour ne pas dire olé-olé), mais il n’en est rien. Au menu donc, et comme chaque année, un roman, une pièce de théâtre et un essai, donc un livre étranger. Les deux premiers sont disponibles pour pas chers dans la collection folio de Gallimard ou chez Garnier-Flammarion.

– Un roman absolument passionnant (c’est un peu facile, mais tellement tentant) : La cousine Bette de Balzac. Aucun souvenir, pourtant je l’ai lu …

Book

– Une excellent pièce de théâtre (et pour ceux qui ne sont pas sensibles à la langue, les pauvres ! au moins c’est court) : Andromaque de Racine.

Book

– L’essai est de David Hume : Dissertation sur les passions dans la traduction de Jean-Pierre Cléro.

Book

Pour les futurs étudiants de la BCPST du lycée Fénelon, il est indispensable d’avoir lu et de préférence un peu assimilé ces trois livres AVANT la rentrée, car ce n’est pas pendant l’année que vous aurez beaucoup le temps de lire, et si vous le faites (ce que je vous souhaite), ce sera sûrement pour vous détendre plus que pour travailler.

Le roman du mois de septembre

Ce mois-ci, je vous conseille un très court écrit de Pierre Michon, Les Onze, disponible en folio. Il s’agit d’un récit autour d’un vaste tableau du Louvre représentant les onze membre du comité de salut public instauré durant la « Terreur » en 1793. Dans une langue magnifique (c’set vraiment très bien écrit, indépendamment de ce qui est raconté, la seule lecture est un plaisir), Michon imagine la vie du peintre (François-Elie Corentin) et s’essaie à reconstituer les détails de la réalisation de cette oeuvre, dont les conditions un peu mystérieuses sont assez rocambolesques, ce qui n’est guère étonnant étant donné la période troublée où elle a eu lieu. Il y a presque du suspens et on n’a qu’une envie, c’est d’aller voir ledit tableau (ayant pourtant fréquenté le Louvre dans toutes les dimensions, je ne l’avais jamais vu).

 

D’une certaine façon, cela fait un peu penser à un autre court livre de Georges Perec (qui ne date pas d’hier), Un cabinet d’amateur (chez Seuil, il semble que l’édition en livre de poche soit épuisée), que vous pouvez également lire.

 

Et si vous n’avez pas compris, vous pouvez aller vous faire remettre les idées en place en consultant ce site du CNDP. Mais c’est plus amusant si on lit d’abord le livre.

 

Remise des IG-Nobel

Les prix IG-Nobel (se prononce « ignoble » en Anglais) ont été remis comme chaque année par la fondation Improbable Research à des scientifiques qui « font d’abord rire et ensuite réfléchir ». Il s’agit donc de récompenser des travaux dont l’intitulé est farfelu, mais dont la scientificité est indubitable.

Le cru 2014 est visible ici.

La cérémonie a lieu en présence de vrais prix Nobel chargés de remettre les récompenses, et a lieu dans une franche bonne humeur. Généralement, les nominés sont ravis du prix et se précipitent pour venir le recevoir.

Cette année, plusieurs travaux passionnants ont été primés. En physique, par exemple, le prix est allé à une étude dont on s’étonne qu’elle n’ait pas été faite plus tôt : la mesure des coefficients de frottement entre d’une part une semelle et une peau de banane et d’autre part la même peau de banane et le sol. En santé publique, et sans vouloir viser personne dans la classe, les scientifiques récompensés ont sérieusement étudié le lien entre troubles mentaux et possession d’un chat (si la toxoplasmose ne vous dit rien, il est temps de vous informer avant de tomber enceinte). En psychologie, le prix a été remis à des chercheurs qui ont montré que les lève-tard sont en moyenne plus narcissique, plus manipulateurs et davantage psychopathes que les lève-tôt (pas de panique : maintenant que vous êtes en prépa, vous êtes du bon côté). Il semblerait également qu’on supporte bien mieux la douleur en regardant un beau tableau plutôt qu’une croûte (moi, ça ne m’étonne pas). Enfin, en économie, je suis ravi de voir que j’avais prévu le prix qui a été attribué au gouvernement italien suite à sa décision de gonfler le PIB du pays en prenant en compte l’économie illégale (activités mafieuses et prostitution principalement) ; c’est bizarre, aucun représentant du gouvernement italien n’est venu à la remise du prix. Pour finir, je reste quand même perplexe devant les travaux qui ont consisté à étudier le comportement des rennes face à des humains déguisés en ours polaires (je ne vois pas bien à quoi ça peut servir, mais bon).

Je vous invite à aller voir vous-même sur le site. C’est excellent pour votre Anglais, autant écrit qu’oral puisque la vidéo de la cérémonie est visible.

Les romans du mois d’août

Je vous recommande deux romans parus dans la collection Nature Writing de la maison d’édition Gallmeister.

Le premier est assez léger mais plein d’humour et bien écrit. Il s’agit du récit largement autobiographique d’un jeune étudiant qui est inscrit plus ou moins par hasard dans une université du Montana et qui accepte de passer un hiver complet au fin fond d’une vallée bloquée par la neige pour surveiller une pouponnière à saumons, installée là dans le cadre du repeuplement de la rivière. Totalement inconscient de ce qui l’attend, et après un début de séjour chaotique, il finit par s’acclimater à sa vie d’ours. On imagine assez bien, dans ce récit, ce à quoi ressemble son trou paumé et on se prend à l’envier (presque) quand, bien au chaud sous sa couette, on suit les aventures de ce futur ranger par -40°C. Pour toux ceux qui ont des rêves de nature et de grands espaces, c’est un bon livre pas compliqué. Indian Creek par Pete Fromm.

Le second roman est nettement moins léger, mais c’est l’un des meilleurs livres que j’ai lu ces dernières années. L’histoire est celle d’un vétéran sudiste de la guerre de Sécession, hanté par ces années de guerre (la guerre de Sécession est la première guerre de l’ère moderne, qui n’a rien à envier à la première guerre mondiale question horreur : tranchées, artillerie lourde, pertes colossales). Il vit tout seul avec son chien dans une misérable cabane sur une plage sur le Pacifique, tout au nord de l’état de Washington. C’est un endroit où, à l’époque du roman (1900), il n’y a quasiment personne, et où il pleut toujours. Agé et gravement malade, le vétéran décide de repartir vers le lieu de sa naissance. Son périple ne le mènera pas loin, mais lui fera croiser des Indiens autochtones et des colons, sales types ou braves gens, dans un entrecroisement qui met au jour les conditions de vie des Indiens, le racisme ordinaire contre les Noirs ou les Chinois, la difficile mise en place de la loi dans cette région perdue. Le tout est entrecoupé de retours en arrière sur la guerre de Sécession. Lance Weller a construit des personnages d’une densité exceptionnelle dans un récit complexe et sans naïveté. C’est un excellent livre : Wilderness par Lance Weller.

Programme de lettres 2014 – 2015

Le programme de lettres pour l’année 2014 – 2015 a pour thème :

La guerre

et s’appuie sur la lecture des trois œuvres suivantes :

  • Les Perses d’Eschyle, dans la traduction de Danielle Sommier aux éditions GF Flammarion
  • Le Feu de Henri Barbusse
  • De la Guerre livre 1 : Sur la nature de la guerre de Carl von Clausewitz, dans la traduction de Nicolas Waquet aux éditions rivages poche (pages 17 à 114)

Il est plus que recommandé d’avoir lu ces livres avant la rentrée, et de les connaitre un peu plus que superficiellement.

Deux essais pour le prix d’un et pour finir l’année

Pendant que je suis à parler de chocs de civilisation, vous pouvez avec profit lire le dernier essai de Jared Diamond, Le monde jusqu’à hier (traduction de The World until Yesterday, à croire que quelqu’un qui savait parler anglais et français a été payé pour traduire cette fois-ci), et publié chez Gallimard.
Diamond est … je ne sais pas trop dire quoi, puisqu’il est tout à fois ornithologue, historien, anthopologue, sociologue. Il a étudié certaines sociétés « primitives » de Nouvelle-Guinée, dont il a décrit le fonctionnement et appris les langues. Dans cet essai, il discute de ce que les sociétés traditionnelles peuvent apporter aux sociétés modernes (sur l’éducation des enfants, le règlement des litiges liés à des accidents involontaires, la gestion des personnes âgées). Ce qui rend son analyse particulièrement pertinente est qu’elle ne s’accompagne nullement d’une vision angélique de ces sociétés. Par exemple, il explique parfaitement bien l’insécurité foncières dans laquelle vivent la plupart des Néo-Guinéens « primitifs » (insécurité sanitaire, insécurité alimentaire, insécurité physique liée aux conflits tribaux). Il tort le cou à une idée véhiculée par certains sociologues comme quoi les « guerres tribales » seraient purement symboliques au prétexte qu’elles ne font qu’un ou deux morts ;  sauf que rapportés à la population totale des tribus engagées dans ces guerres, cela fait un pourcentage de décès équivalent à celui de la première guerre mondiale !
La remise en perspective des données chiffrées est d’ailleurs un des points forts des écrit de Diamond. La question du nombre des langues encore vivantes donne le vertige : il y a encore 7000 langues vivantes dans le monde donc … plus de 1000 pour la seule Nouvelle-Guinée, et 110 pour la minuscule nation du Vanuatu (une île du Pacifique), dont la plupart ne sont plus parlées que par moins de quelques milliers de personnes et certaines par moins de 60. Bien sûr, on relève toujours quelques coquilles dans ce genre de liste, puisque Diamond affirme que le Breton est la langue première d’un demi millions de Français, ce qui revient à dire que 1/4 des habitants de la Bretagne ont le Breton pour langue maternelle. Ayant vécu en Bretagne environ 25 ans, je pense avoir rencontré en tout et pour tout deux personnes parlant spontanément breton entre elles (je ne parle pas de la pseudo-langue bretonne forgée de toute pièce et enseignée dans les écoles soi-disant bretonne).

Diamond avait écrit il y a quelques années un livre qui avait fait grand bruit et suscité une polémique, sur les raisons de l’effondrement de civilisations passées, dont, selon lui, la plupart étaient liées à une mauvaise gestion des ressources naturelles. J’étais persuadé d’en avoir déjà parlé sur ce site, mais en cherchant à mettre un lien, je n’en retrouve nulle trace. Il s’agissait du très intéressant essai Effondrement (Collapse), également publié chez Gallimard. J’y ai appris des choses passionnantes sur l’installation et la disparition des colonies viking au Groenland, sur les problèmes d’irragation des Mayas et sur la fin de la civilisation des Moas sur l’ile de Pâques.