Le nucléaire étant, qu’on le veuille ou non, une réalité de notre pays, il est assez raisonnable de s’informer sur le sujet, et à tant faire, de commencer par lire des livres écrits par des spécialistes du sujet, autrement dit des scientifiques et des ingénieurs. Celui que je vous conseille a l’avantage d’être rédigé explicitement pour un public non scientifique, mais prêt à prendre le temps de lire soigneusement pour comprendre (ce n’est pas un ouvrage de vulgarisation bas de gamme). Il est édité par EDP-sciences dans une excellente collection intitulé Une introduction à… qui comporte plusieurs autres titres potentiellement intéressants (mais à mon avis nettement plus durs pour des premières années de BCPST). Il s’agit de Le nucléaire expliqué par des physiciens sous la direction de Bernard Bonin et disponible ici pour la somme de 30 euros.
Le livre est divisé en 6 grandes parties.
– Une introduction à la radioactivité, qui ne devrait pas apprendre grand’chose à des étudiants ayant sérieusement appris leur cours.
– Un panorama de la radioactivité dans l’environnement et le vivant, qui présente les différentes sources de radioactivité naturelles et artificielles, et qui explique comment on évalue les risques liés à l’irradiation, ce qui est loin d’être un problème simple.
– Une grande partie sur le fonctionnement d’un réacteur nucléaire, qui se clôt par la présentation des trois accidents nucléaires majeurs : Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima, avec pour ce dernier accident des informations qu’il est nécessaire de compléter (le livre est paru moins d’un an après la catastrophe de Fukushima).
– Un grande partie sur le « cycle de l’uranium », de son extraction à son exploitation dans la centrale puis au traitement du combustible usé (avec une présentation surtout axée sur la filière française qui organise le recyclage d’une partie du combustible), et qui se termine par les options de stockage des déchets ultimes.
– Une courte partie sur la place du nucléaire dans la production d’énergie, qui est elle aussi un peu obsolète puisque des pays comme l’Allemagne ont totalement révisé leur politique nucléaire depuis. la parution du livre.
– Une courte partie sur le futur du nucléaire avec une présentation des recherches en cours sur les réacteurs de troisième et de quatrième générations.
L’ensemble est d’un très bon niveau, précis et factuel. Ne nous en cachons pas, les auteurs sont partie prenante de la mise en œuvre du nucléaire en France, et leur opinion personnelle est que la filière nucléaire est mature et fiable, et que le nucléaire a de l’avenir. Cela transparait dans le texte, surtout dans les conclusions tirées, mais cela n’enlève rien à l’intérêt du livre : on peut s’informer sur la façon dont fonctionne un réacteur sans pour autant être d’accord avec la conclusion du paragraphe comme quoi c’est très fiable, ou s’informer des options qui ont été envisagées pour le stockage des déchets sans pour autant être d’accord avec celle qui a été retenue.
Il est bien entendu tout à fait autorisé de ne pas être d’accord avec l’opinion que le nucléaire est une filière d’avenir, et il est même recommandé de s’informer chez la concurrence. Tous les scientifiques ne sont d’ailleurs pas d’accord sur l’avenir du nucléaire, loin s’en faut, et des physiciens de tout premier plan militent pour une sortie du nucléaire. Cela n’est pas une raison pour ne pas s’informer sur ce qu’est le nucléaire et la façon dont il est géré en France car, comme je le disais au début, qu’on le veuille ou non, le nucléaire fait partie de notre environnement (la centrale de Nogent sur Seine est à environ 100 km de Paris et il va bien falloir faire quelque chose des déchets nucléaires). L’aspect scientifique et technique est un préalable indispensable pour se forger une opinion, qui doit être complété par des débats sur les aspects éthiques, sociaux, économiques, environnementaux ou médicaux.
A l’heure actuelle, il est probable que les énergies renouvelables soient presque mûres pour prendre le relais des énergies non renouvelables (dont fait partie le nucléaire), ce qui n’était pas le cas il y a encore 20 ans. Mais pour le moment elles ne sont pas tout à fait mûres. L’Allemagne a décidé de sortir immédiatement du nucléaire et a remis en marche des centrales à charbon, qui constituent les plus gros émetteurs de métaux lourds dans l’atmosphère (mercure en particulier) sans compter l’émission de gaz à effet de serre ; la France a décidé de prolonger la vie des centrales qui étaient prévues pour être démantelées dans les années qui viennent. Ces choix politiques doivent faire l’objet d’un débat et être en définitive du ressort des électeurs. Les énergies renouvelables sont séduisantes à bien des aspects, mais pour l’instant on manque de recul. Certaines études suggèrent que le régime des vents est modifié par les champs d’éoliennes, et la fabrication des panneaux solaires nécessite pour l’instant des minéraux plutôt rares donc des activités minières importantes et polluantes. Comme pour le nucléaire, une phase de maturation est nécessaire pour parvenir à sélectionner les meilleures options.