Daily Archives: 19 avril 2011

Encore un livre et sur une centrale nucléaire en perdition

On n’en finit pas de parler d’une centrale nucléaire dont on a quasiment perdu le contrôle, et des retombées radioactives déjà effectives ou futures. Les deux derniers billets de Sylvestre Huet sur son blog sont très intéressants. Le premier traite de ce que représente un sievert, unité qui quantifie les doses radioactives auxquelles sont soumis les individus ; c’est très clair et cela remet en perspective les ordres de grandeur. Le second présente le plan de gestion de la centrale pour les années à venir, tel que proposé par l’opérateur Tepco.

Opérer dans une centrale nucléaire est évidemment une opération nécessitant de grandes précautions. En France, les ouvriers qui le font sont majoritairement des intérimaires qui enchainent CDD sur CDD dans les diverses centrales gérées par EDF. Une polémique est en cours sur la pertinence de confier des tâches aussi dangereuses à des personnels précaires. La Centrale est un court roman d’Elisabeth Filhol qui est pertinemment paru l’année dernière chez P.O.L., dont la narratrice est justement une de ces intérimaires. Sans être un chef d’oeuvre, c’est une excellente plongée dans ce monde très particulier.

Le roman du mois de mai

Le livre du mois de mai est également d’actualité. Japon + nucléaire, ça fait tiltement penser au roman de Masuji Ibuse Pluie noire, paru en 1970 et édité dans la collection blanche chez Gallimard, autour dire chez le nec plus ultra de l’édition française. Le livre est également disponible en format poche, chez folio. Aucun lien n’est possible vers la page du livre sur le site de Gallimard, montrant par là qu’on peut éditer les meilleurs ouvrages et avoir un site internet pathétique.

Pluie noire se déroule en 1950 dans un village proche d’Hiroshima. Yasuko, une jeune fille ayant tout pour plaire, ne trouve pas à se marier parce qu’elle a été atteinte par la pluie noire, une averse d’eau mêlée de poussière fortement radioactive, qui est tombée sur Hiroshima peu après le bombardement atomique. L’oncle de Yasuko entreprend de montrer que Yasuko n’est en rien malade, et bien évidemment elle l’est.

Le livre est écrit avec une sobriété de ton en complet décalage avec la cruauté de la situation de Yasuko, à laquelle se mêlent des souvenirs de la guerre et des épreuves traversées par les soldats japonais.

A mon avis, le film qui en a été tiré est encore meilleur que le livre. Mis en scène par Shohei Imamura, il est d’une intensité dramatique encore plus forte en raison de la présence d’un personnage supplémentaire: un jeune homme habité par ses souvenirs de guerre et à moitié fou, amoureux sans espoir de Yasuko. Peu prolifique, Imamura a tourné 4 films en 15 ans (1983 à 1998), mais 4 excellents films, dont deux ont reçu la palme d’or à Cannes : La Ballade de Narayama, Pluie noire, L’Anguille et Kanzo Sensei, dont je ne peux que vous recommander le visionnage. Mis à part le premier, ces films sont tout à la fois intenses, pudique et jamais dénué d’un humour solide mais très fin (les allusions au lapin fou d’Alice au Pays des merveilles dans Kanzo Sensei sont excellentes).