Monthly Archives: mars 2012

De la lecture

Je vais essayer de faire revivre la chronique lecture de ce blog. Ce n’est pas mauvaise volonté de ma part, mais tous ceux qui ont ou ont eu des enfants en bas âge me comprendront et me pardonneront.

Bref, j’ai ouï dire que certaine damoiselle de 2è année avait posé des questions sur l’ornithorynque, sympathique animal pas de chez nous, mais dont vous pouvez admirer un specimen naturalisé au fond de la salle 209.
En fait, il existe un excellent petit opuscule sur cette bestiole, dont je vous recommande la lecture : Journal intime d’un ornithorynque, publié par le CIRAD dans la collection Savoirs partagés. Qui plus est, et sauf si cela a changé depuis que je l’ai reçu, il suffit de demander pour l’avoir, et c’est gratuit !

Je me doute bien que, à l’approche des concours, vous êtes un peu fatigués, et d’ailleurs que même ceux qui ne passent pas de concours sont fatigués aussi. Je peux faire un effort et vous suggérer une lecture qui ne suscite pas trop l’intellect mais qui cause d’ornithorynque quand même, et aussi de koala, de wombat, d’echidné et de phalanger (vous voyez que ça a beau ne pas être trop neuronal, je parie que vous ne connaissez même pas la moitié des animaux dont je vous cause présentement). Il s’agit des aventures de Toto l’ornithorynque (pour autant que je sache, 7 tomes parus), le héros, goinfre (uniquement de vers de vase et de crevettes) mais courageux et loyal. Bon, vous pourrez dire que c’est pour votre petit frère ou votre petite soeur que vous empruntez ça à la bibiothèque.

Une exposition à ne pas manquer

Pour les naturalistes que vous êtes, il faut impérativement aller voir cette exposition au Museum National d’Histoire Naturelle, qui ouvre à partir de demain et pour 2 mois seulement.
Outre le fait que le Museum est l’un des plus merveilleux endroits de Paris, les expositions, permanentes comme temporaires, sont d’une qualité exceptionnelle.
L’exposition en question est passionnante et tout à fait unique, puisqu’elle présente 3 espèces de mammifères découverts en 2006.  Découvrir de nouveaux insectes ou de nouveaux arthropodes, c’est monnaie courante (il suffit d’aller se promener dans n’importe quelle forêt tropicale 30 mètres plus loin que l’expédition précédente), mais des nouveaux mammifères, c’est extraordinaire.
Je vous invite à visionner la vidéo accessible par le lien indiqué plus haut. Elle est très bien faite, et en plus, vous aurez l’occasion de voir la tête de Guillaume Lecointre, qui n’est pas exactement le premier venu pour ce qui est de la théorie de l’évolution.

Corrigé du devoir en temps limité de chimie n°6

Le devoir est mitigé, avec une moyenne de classe de 10,6/20. 19 copies ont plus de 10 et 3 copies ont entre 9 et 10.

Quelques remarques générales pour commencer.
– N’essayez pas de donner les noms de molécules quand cela ne vous est pas demandé. C’est souvent très folklorique.
– En chimie organique, lorsqu’on demande la formule d’un composé, ce n’est pas la formule moléculaire qu’on attend. Dire que le composé F est C10H18O n’apporte strictement aucune information, car il doit exister quelques centaines de molécules qui répondent à cette formule brute. Il faut faire une représentation topologique.
– Lorsqu’on le peut, ne pas se contenter d’une représentation plane. Dans beaucoup de cas, ça ne coûte rien de préciser l’organisation spatiale des molécules. Il suffit pour cela de faire du Cram ou, dans le cas des cyclohexanes, du Haworth.
– Il y a des réactions à connaitre par coeur, et je les ai indiquées. Les équations-bilan permettant de former un alcoolate ou la réaction d’un alcool sur SOCl2 en font partie.

La notion de conformation, par opposition à la notion de configuration, semble peu claire chez la plupart d’entre vous. Lorsqu’on demande les conformations les plus stables du menthol, on ne parle que du menthol, pas de ses stéréoisomères. Le menthol est un cyclohexane, ses deux conformations les plus stables sont les deux formes chaise. Reste à les représenter correctement …

La partie sur la SN sur le menthol est relativement bien réussie. La plupart d’entre vous sait à quoi sert de convertir un alcool en tosyle, même si les explications pourraient souvent être plus précises. Dire qu’on active, c’est bien ; dire que c’est nécessaire parce que cela remplace un mauvais nucléofuge par un bon nucléofuge, c’est mieux. La précision du vocabulaire est à améliorer : ce n’est pas le menthol ou l’alcool qui est un mauvais nucléofuge, ni même le groupe OH ; c’est l’ion HO- le nucléofuge.
Je n’attendais pas que la SN2 soit représentées sur les formes chaise du cyclohexane, même si c’est possible, ni même sur les représentations de Haworth (sur lesquelles c’est assez facile de montrer l’inversion de Walden et l’attaque dorsale). Cependant, lorsque les schémas sont trop simplifiés, on ne montre plus rien du tout.
Concernant l’aspect stéréochimique de la réaction, une erreur très grave a été faite par certains : seule la configuration du carbone qui subit l’attaque du nucléophile est inversée. Tous les autres carbones asymétriques sont inchangés.

La formation du menthène par déshydratation a été assez convenablement traitée. Les formules des deux alcènes sont généralement correctes. Dans l’acide sulfurique aqueux, la réaction sur un alcool secondaire est une E1 car le milieu est très polaire ; cela est à savoir.
Dans le cas où l’alcool est converti en chloroalcane sur lequel on fait une élimination en milieu peu polaire, c’est évidemment une E2 qui doit être invoquée. L’analyse stéréochimique de la réaction n’a été traitée par personne. Le point clé est évidemment que la E2 se déroule en conformation anticoplanaire.

L’oxydation en menthone est plutôt mal traitée, en partie par ma faute. J’ai enlevé la question du sujet original demandant de trouver l’équation bilan de l’oxydation, mais j’ai oublié de rajouter en échange que le permanganate est en excès. Du coup, certains ont considéré qu’il était en défaut en pensant que la réaction se faisait mole à mole. Cela dit, beaucoup d’entre vous ont calculé le rendement en divisant bestialement la masse de menthone obtenue par la masse de menthol introduite. Cela est totalement faux. Ce qu’il faut comparer, c’est la masse de menthone obtenue à la masse de menthone qu’on pourrait obtenir au maximum, et ce n’est pas la masse de menthol introduite car les deux composés n’ont pas la même masse molaire. Vous remarquerez que, personnellement, je n’ai jamais écrit un rendement comme le quotient de deux masses, mais toujours comme le quotient de deux quantités de matière, ce qui me parait nettement moins générateur de fautes idiotes.

La fin a été franchement ratée. Laissons de côté ceux qui ignorent que la réaction du dibrome sur un alcène conduit à un ion ponté, et en aucun cas à une addition d’un brome sur un carbone avec formation d’un carbocation sur un autre ; cela ne correspond à aucune réaction du cours. Pour tous ceux qui ont effectivement écrit un ion ponté, il faut impérativement faire comprendre qu’il peut se faire de l’un ou l’autre côté de la liaison. En outre, cet ion ponté n’évolue pas selon un carbocation, sans quoi il y aurait racémisation lors de l’addition de l’eau, ce qui n’est pas compatible avec le fait que la réaction soit stéréosélective, avec exclusivement une addition anti. Le passage par un carbocation ne peut pas être compatible avec une stéréosélectivité. L’addition de l’eau se fait donc sur l’ion ponté, ce qui explique son arrivée anti.
Dernier point de détail à propos de cette réaction : elle ne met pas en jeu un ion hydroxyde, puisqu’on n’en n’a pas introduit. C’est bien l’eau le nucléophile. Invoquer des ions hydroxydes formés par autoprotolyse de l’eau, c’est absurde : l’autoprotolyse ne fournit qu’une quantité totalement négligeable d’ions.

En conclusion, je suis bien conscient que, pour la plupart d’entre vous, un réel travail a été fait, et je suis également bien conscient que la chimie organique est difficile. Comme souvent dans cette matière, on a l’impression que le travail ne paye pas, mais c’est une illusion. Le travail est de longue haleine, et lorsqu’on reviendra à la chimie organique à la fin de l’année, beaucoup de choses qui vous paraissent délicates aujourd’hui auront eu le temps d’être assimilées et vous paraitront beaucoup plus simples.