Monthly Archives: mai 2014

Deux essais pour le prix d’un et pour finir l’année

Pendant que je suis à parler de chocs de civilisation, vous pouvez avec profit lire le dernier essai de Jared Diamond, Le monde jusqu’à hier (traduction de The World until Yesterday, à croire que quelqu’un qui savait parler anglais et français a été payé pour traduire cette fois-ci), et publié chez Gallimard.
Diamond est … je ne sais pas trop dire quoi, puisqu’il est tout à fois ornithologue, historien, anthopologue, sociologue. Il a étudié certaines sociétés « primitives » de Nouvelle-Guinée, dont il a décrit le fonctionnement et appris les langues. Dans cet essai, il discute de ce que les sociétés traditionnelles peuvent apporter aux sociétés modernes (sur l’éducation des enfants, le règlement des litiges liés à des accidents involontaires, la gestion des personnes âgées). Ce qui rend son analyse particulièrement pertinente est qu’elle ne s’accompagne nullement d’une vision angélique de ces sociétés. Par exemple, il explique parfaitement bien l’insécurité foncières dans laquelle vivent la plupart des Néo-Guinéens « primitifs » (insécurité sanitaire, insécurité alimentaire, insécurité physique liée aux conflits tribaux). Il tort le cou à une idée véhiculée par certains sociologues comme quoi les « guerres tribales » seraient purement symboliques au prétexte qu’elles ne font qu’un ou deux morts ;  sauf que rapportés à la population totale des tribus engagées dans ces guerres, cela fait un pourcentage de décès équivalent à celui de la première guerre mondiale !
La remise en perspective des données chiffrées est d’ailleurs un des points forts des écrit de Diamond. La question du nombre des langues encore vivantes donne le vertige : il y a encore 7000 langues vivantes dans le monde donc … plus de 1000 pour la seule Nouvelle-Guinée, et 110 pour la minuscule nation du Vanuatu (une île du Pacifique), dont la plupart ne sont plus parlées que par moins de quelques milliers de personnes et certaines par moins de 60. Bien sûr, on relève toujours quelques coquilles dans ce genre de liste, puisque Diamond affirme que le Breton est la langue première d’un demi millions de Français, ce qui revient à dire que 1/4 des habitants de la Bretagne ont le Breton pour langue maternelle. Ayant vécu en Bretagne environ 25 ans, je pense avoir rencontré en tout et pour tout deux personnes parlant spontanément breton entre elles (je ne parle pas de la pseudo-langue bretonne forgée de toute pièce et enseignée dans les écoles soi-disant bretonne).

Diamond avait écrit il y a quelques années un livre qui avait fait grand bruit et suscité une polémique, sur les raisons de l’effondrement de civilisations passées, dont, selon lui, la plupart étaient liées à une mauvaise gestion des ressources naturelles. J’étais persuadé d’en avoir déjà parlé sur ce site, mais en cherchant à mettre un lien, je n’en retrouve nulle trace. Il s’agissait du très intéressant essai Effondrement (Collapse), également publié chez Gallimard. J’y ai appris des choses passionnantes sur l’installation et la disparition des colonies viking au Groenland, sur les problèmes d’irragation des Mayas et sur la fin de la civilisation des Moas sur l’ile de Pâques.

Les risques de l’intelligence artificielle sont-ils de la science fiction ? et le danger des extra-terrestres ?

Je vous invite à lire cette tribune cosignée par des physiciens dont la renommée n’a d’égale que l’intelligence (dont Frank Wilczek, prix Nobel de physique pour ses travaux sur l’interaction forte et Stephen Hawking que certains qualifient de plus grand théoricien depuis Einstein), sur le site du journal The Independent (oui, c’est en Anglais, mais cela vous fera le plus grand bien).

Lorsque des scénaristes holywoodiens imaginent que les robots et/ou les ordinateurs prennent le contrôle du monde, on s’amuse ou, plus fréquemment, on s’ennuie ferme, mais de toute façon, on n’y croit pas vraiment. Mais lorsque de pareilles sommités expliquent tout bonnement que les lois de la physique sont parfaitement compatibles avec l’existence d’un calculateur plus performant que le cerveau humain, les choses deviennent subitement beaucoup plus réelles.

Il n’y a pas si longtemps, des physiciens s’étaient demandé s’il était vraiment sérieux d’envoyer au fin fond de l’espace des sondes avec une carte permettant de localiser la Terre. Leur argumentaire était en substance que quand on voit ce que deux civilisations humaines sont capables de se faire l’une à l’autre, il serait plus raisonnable de ne pas inviter des civilisations extra-humaines plus évoluées que nous à venir nous rendre visite. Robert Silverberg, un des auteurs de science fiction les plus novateurs des années 60 et 70 (je me demande s’il y a une seule idée nouvelle en science fiction à l’origine de laquelle il n’est pas d’une façon ou d’une autre) et dont j’ai déjà parlé, a écrit un roman là-dessus, The Alien Years, traduit on ne sait pourquoi par Le Grand Silence et publié chez Flammarion. En gros, les extra-terrestres arrivent, s’installent sans dire bonjour et réduisent les indigènes (nous) en esclavage. On est bien loin des extra-terrestres sympas de Rencontre du troisième type (traduction de Close Encounters,  parfois on se demande qui est payé pour traduire les titres de l’Anglais, à moins que ce ne soit le traducteur automatique de gougeule qui le fasse – il est grand temps de mettre un peu d’intelligence artificielle là-dedans – mais je m’égare) de Spielberg. A la réflexion et au regard du monde tel que nous le connaissons, qu’est-ce qui est le plus crédible ?