La moyenne du devoir est 11,1/20, ce qui est tout à fait acceptable. Je suis surpris que l’exercice sur la stéréochimie ait été nettement moins réussi (moyenne brute de 9,5/20) que l’exercice sur la délocalisation (moyenne brute de 11/20). La moyenne est atteinte par 30 copies et 3 copies ont entre 9 et 10.
Concernant l’exercice 1.
La dose léthale LD50 est par définition la quantité à absorber pour avoir 50% de chance de mourir. Si votre masse est m (en kg), vous devez donc inhaler m fois la LD50 pour avoir 1 chance sur 2 d’y rester. La LD50 est la mesure la plus courante de la toxicité d’une substance. Elle peut être différente en fonction du mode d’administration (ingestion, inhalation ou contact avec la peau), et bien entendu, elle est différente en fonction de l’animal (le paracétamol est un hépatotoxique léger pour l’être humain et foudroyant pour le chat par exemple). Les animaux qui sont, du point de vue des études de toxicité, les plus proches de l’humain sont … les cochons (bah oui, c’est comme ça, et c’est pas flatteur).
Je passe sur les conversions fantaisistes, genre 1400 mg = 1,4 kg (que j’ai vu plusieurs fois quand même …), et j’avoue ma perplexité face à ceux et celles qui ont entrepris de compter le nombre de feuilles de tabac. Etant donné qu’on ne connaissait que la teneur massique, je ne vois pas ce qu’on peut calculer d’autre que la masse de feuilles qui contiennent la dose léthale.
C’est vrai que fumer provoque des cancers des poumons, mais ce n’est pas la nicotine qui en est la cause. La combustion dégage toutes sortes de molécules (produit de décomposition du tabac, des additifs, du papier à cigarette), dont certaines sont cancérogènes (le benzène par exemple ou l’acide cyanhydrique). Ce sont ces substances qui sont responsables des cancers. La nicotine, comme tous les alcaloïdes, a un effet sur le système nerveux central, puisqu’elle est reconnue par les récepteurs de certains neurotransmetteurs.
Concernant le signe (-), il faut à tout prix que vous évitiez de vous embarquer dans des explications très délicates sur ce qui se passe physiquement. En tout état de cause, il ne s’agit pas de lumière qui tourne (elle va en ligne droite) et encore moins de molécules qui tournent (aucun rapport), mais de la rotation du plan de polarisation de la lumière (chose relativement abstraite). Il suffit de dire que le signe (-) signifie que la molécule est lévogyre.
Soit dit en passant, parler de tourner à gauche ou tourner à droite pour décrire un sens de rotation est incompréhensible. Le sens peut être trigonométrique ou horaire (et encore faut-il préciser où on se place pour faire l’observation).
Savoir si la nicotine est chirale a donné lieu à des explications qui n’en sont pas. Dire qu’elle est chirale parce qu’on précise qu’elle est (S), c’est retourner le problème : c’est parce qu’elle est chirale qu’il y a deux énantiomères et qu’il faut préciser la configuration du carbone asymétrique. De même dire qu’elle est chirale parce qu’elle a une activité optique, c’est inverser cause et conséquence : l’activité optique est la conséquence de la chiralité. Ce qu’il faut préciser, c’est la cause de chiralité, qui est évidemment la présence d’un unique (mot à ne pas oublier) carbone asymétrique.
Dans la même veine, pour la tropinone, certain-e-s ont écrit que la tropinone est achirale parce qu’elle a deux atomes de carbone asymétriques. Je ne sais pas d’où ça sort, mais dit comme ça c’est totalement faux. Une molécule ayant deux atomes de carbone asymétriques peut être chirale ou achirale; si elle est achirale, alors il s’agit d’un composé meso, ayant un carbone (R) et l’autre (S), ainsi qu’un plan de symétrie. Cela implique d’ailleurs qu’il est impossible, si vous constatez que la tropinone est achirale, de trouver que les deux atomes de carbone asymétriques ont la même configuration.
Concernant les représentations, je ne sais pas combien de fois il faudra que je le répète, mais il serait bon que cela entre enfin dans vos petits crânes : on ne peut pas parler de la géométrie d’une molécule en faire une représentation spatiale, c’est-à-dire dans le cas de la nicotine, représenter le carbone asymétrique en convention de Cram (c’est le plus simple), avec 2 liaisons dans le plan, 1 vers l’avant et 1 vers l’arrière. Si vous faites une représentation plane, comment pouvez-vous déterminer si la molécule est superposable à son image spéculaire, ou déterminer la configuration du carbone asymétrique ?
Je déplore que si peu d’entre vous aient trouvé la composition du mélange B. J’apprécie en revanche que la plupart d’entre vous aient identifié le mélange racémique.
Concernant l’exercice 2.
Le critère d’aromaticité est la plupart du temps très mal défini. Il y a aromaticité si la molécule possède un cycle plan avec 4n+2 électrons π délocalisés sur toutes les liaisons du plan. Il est insuffisant de compter les électrons π si on ne montre pas qu’ils sont délocalisés sur toutes les liaisons du cycle ; pour cela, il suffit d’écrire les formes résonantes qui le prouve (mais il est nécessaire de le faire). Le critère de Hückel doit être connu ; il ne s’agit ni de 2n+2 électrons, ni d’une formule moléculaire du type CnHn ou C(4n+2)H(4n+2) ou autres fariboles.
Les questions 3 à 6 étaient assez qualitatives, mais j’avoue parfois ma stupéfaction devant vos réponses. Réduire le graphite aux mines de crayons, c’est un peu restrictif. Le graphite est le constituant du charbon, dont on fait entre autres les mines de crayon. Je passe sur l’affirmation comme quoi le graphite est le constituant des règles en métal (si!si! je l’ai lu et je peux même dénoncer le coupable).
Je vous invite d’une façon générale à éviter les explications trop longues. Le graphite est conducteur du fait de la présence d’électrons délocalisés et donc susceptibles de se déplacer dans la molécule ; cette explication qualitative suffit. La conduction du graphite en fait un matériau intéressant pour la réalisation d’électrodes non métalliques.
Concernant les interactions entre les plans de graphène dans le graphite, une explication est nécessaire. Dire abruptement qu’il s’agit d’interactions de Van der Waals, c’est insuffisant. La distance entre les plans, nettement plus longue qu’une liaison covalente, est un indice manifeste d’une interaction de faible énergie. Du coup, les plans sont faiblement associés et peuvent glisser les uns par rapport aux autres, d’où le pouvoir lubrifiant. Je ne sais pas si tout le monde sait ce qu’est un produit lubrifiant, étant donné ce que j’ai parfois lu, j’ai des doutes.
Je m’aplatit encore une fois et je me couvre la tête de cendres concernant les questions 9 et 10, qui étaient sans queue ni tête. Cela dit, j’ai compté bon tous ceux qui ont répondu aux questions, même sans s’apercevoir de l’erreur grossière. Celle-ci n’empêchait d’ailleurs pas de discuter de la stabilité de l’ion tropylium (qui est aromatique) et de deviner le cation triphényle qui est fortement stabilisé par mésomérie.
Je constate avec plaisir que le mécanisme de l’addition de HX sur un alcène est connu, et que, pour une majorité d’entre vous, la discuter de la stabilité d’un carbocation est correctement fait. Il faut néanmoins veiller à dire tout ce qui est attendu : pour discuter de la régiosélectivité, il faut impérativement représenter les deux carbocations possible puis expliquer pourquoi l’un est plus stable que l’autre. Dire que machin est plus stable à cause de la règle de Markovnikov, cela n’explique rien. Un carbocation tertiaire est plus stable qu’un primaire à cause de l’effet inductif donneur des groupes alkyles, tel carbocation est plus stable parce que la lacune est conjuguée avec une double liaison ou un cycle aromatique, etc.
Dernier mot pour conclure : l’utilisation du vocabulaire approprié permet souvent de dire les choses plus simplement et plus clairement. Dire que c’est stable « à cause des nombreuses formes mésomères », cela implique qu’on en écrive quelques unes, sinon ce n’est pas convaincant. Alors que dire que telle lacune ou tel doublet est conjugué avec telle double liaison ou tel cycle aromatique et qu’il y a donc délocalisation, cela dit tout.