Daily Archives: 8 octobre 2011

L’essai du mois d’octobre

Pendant qu’on est dans les camps de travail, je vais vous parler de l’essai très intéressant de Christopher Browning, intitulé A l’intérieur d’un camp de travail nazi, et paru aux Belles Lettres.

Christopher Browning est un spécialiste de la Shoah, élève de Raul Hilberg, auteur de ce qui reste une référence incontournable sur le sujet : La destruction des Juifs d’Europe, un travail d’une ampleur exceptionnelle sur tous les aspects, connus et moins connus, de l’anéantissement des Juifs par les Nazis.

Le point de départ de ce livre est l’acquittement en 1972 par un tribunal allemand d’un certain Becker, responsable de la police allemande dans un petite ville polonaise du nom de Starachowice, au motif que les témoignages des survivants ne sont pas fiables. Browning s’est alors demandé comment un historien pouvait dégager des certitudes sur un ensemble d’événements uniquement à partir du témoignage des acteurs de ces événements, et donc sans recours à des documents d’archives. Il a donc épluché les résultats des interrogatoires qu’on mené les enquêteurs allemands auprès des survivants, a lui-même interrogé des survivants, et a reconstitué l’histoire de la communauté juive de Starachowice.

Son livre est un modèle du genre. Browning met en lumière comment les témoignages des survivants, au fil du temps, sont d’un certain côté de plus en plus précis (à mesure que le temps passe, c’est plus facile de parler de certaines choses, par exemple des viols), mais aussi de plus en plus pollués par les images de la Shoah véhiculées par les films et les documentaires de plus en plus nombreux (des survivants se rappellent par exemple avoir subi l’épreuve de la sélection sur la rampe à leur arrivée à Auschwitz, une image incontournable lorsqu’on parle de ce camp, alors qu’il est certain que, pour le convoi venu de Starachowice, cette sélection n’a pas eu lieu).

Il est relativement facile de reconstituer l’histoire de cette communauté juive, parce qu’elle a eu la « chance » (si on peut dire) de vivre dans une ville où était sise une usine de munitions très importante pour l’approvisionnement de l’armée allemande. Du coup, beaucoup d’entre eux n’ont pas été déportés vers les camps de la mort, mais ont été réduits en esclavage et utilisé dans l’usine.

Tous les aspects de la vie de ces hommes et femmes est évoquée au travers des témoignages : la mise en place puis la liquidation du ghettos, comment tous n’avaient qu’un objectif : obtenir un certificat de travail dans l’usine de munition, l’organisation du camp de travail, le comportement des différents chefs successifs du camp, comment les Allemands divisaient les prisonniers pour mieux rêgner, les évasions, les relations avec les Polonais non juifs, et le déplacement final vers les camps plus à l’ouest lors de l’avancée de l’Armée rouge.

Un excellent livre, et pas le seul à recommander de cet historien méticuleux et facile à lire.
À l'Intérieur d'un camp de travail nazi

Le roman du mois d’octobre

Je ne sais pas si mes élèves lisent mes « chroniques » littéraires, mais je sais de source sûre qu’au moins un parent d’élève le fait. Je me sens donc dans l’obligation de poursuivre avec un presque roman mais pas tout à fait, ou plutôt un récit romancé d’une aventure parfaitement vraie.

A la fin de la deuxième guerre mondiale, un certain nombre de soldats allemands capturés par l’armée soviétique ont été déportés en Sibérie dans des camps de travail, usuellement après avoir signé divers aveux selon une pratique particulièrement bien au point à l’époque stalinienne. Après son retour en Allemagne, un de ces soldats a livré le récit de sa déportation en Sibérie au journaliste, Joseph Martin Bauer. Celui-ci en a fait un récit romancé, paru en Français sous le titre Aussi loin que mes pas me portent, paru dans l’excellente collection libretto.

Le soldat en question, désigné sous le nom de Forell (il n’a pas voulu que son vrai nom apparaisse), a donc été déporté de Moscou jusqu’au cap oriental. C’est où ? Eh bien très exactement à l’autre bout de l’Union Soviétique : c’est la côte ouest du détroit de Bering, en face de l’Alaska. Le voyage s’est fait en train jusqu’à Tchita (un peu au-delà du lac Baïkal), puis en traineau, puis à pieds en plein hiver. Durée : 1 an et beaucoup de morts en route.
Le camp est une mine de plomb : quelques baraques et 8 galeries creusées dans la montagne (par des déportés précédents), composées d’un étroit boyau menant à une vaste salle d’où partent les galeries de la mine proprement dite. Les prisonniers logent dans la vaste salle, ce qui permet de ne les faire garder que par un seul homme, posté à l’entrée du boyau. Les conditions de travail sont très dures, le climat très rude (on est sur le cercle polaire arctique), les prisonniers sont enfermés des semaines d’affilée dans leur trou, et surtout ils manipulent du minerai de plomb, très toxique, et il est évident qu’aucun ne pourra survivre à leur peine qui est de 25 ans. Ce n’est cependant pas un camp d’extermination. Les gardiens sont globalement des bons bougres et nullement des bourreaux sadiques. C’est juste qu’une mine de plomb est en soi mortifère, et que, comme partout ailleurs en Union Soviétique au sortir de la guerre, on ne crevait pas sous l’abondance de nourriture.

Là où l’histoire change franchement de cours, c’est lorsque le médecin du camp, qui est aussi un prisonnier de guerre allemand, mais qui, du fait de sa fonction, ne travaille pas dans la mine et a une certaine liberté de mouvement, diagnostique qu’il a un cancer du colon, incurable, et qu’il n’en a que pour quelques mois à vivre. Or, il avait patiemment rassemblé tout un équipement en vue de son évasion. Il choisit alors le prisonnier qui lui parait le plus à même de mener à bien une évasion : le plus costaud et le plus déterminé (il a déjà tenté de s’évader mais a été repris au bout de 3 jours), et à  l’occasion du passage de celui-ci à l’infirmerie, il l’équipe et organise son évasion.

On se souvient bien : on est sur le cercle polaire arctique et au plus loin du plus loin qu’on puisse atteindre en Sibérie. Le plus court chemin vers l’évasion est évidemment de traverser le détroit de Bering et d’arriver en Alaska. Mais cette voie n’est pas envisageable : un prisonnier l’a déjà empruntée, et les Américains l’ont remis aux Soviétiques (oui, dans les années 40, l’ennemi des Américains, ce n’était pas les Soviétiques mais les Allemands). Forell part donc pas voie de terre en plein hiver (c’est bien plus facile de se déplacer en Sibérie en hiver quand tout est gelé, y compris les marécages et les fleuves), dans un périple qui va durer plus de deux ans, et qui le conduira finalement à traverser la frontière entre l’Azerbaidjan et l’Iran, alors contrôlée par les Britanniques.

Ce qui lui arrive est tout bonnement incroyable. Il commence par tomber dans un fleuve glacé et manque de mourir, est caché par des éleveurs de rennes, voyage avec d’autres prisonniers évadés d’une mine d’or, manque de mourir tué par l’un d’entre eux pour une sombre histoire de pépite d’or, est sauvé in extremis d’une meute de loup par d’autres éleveurs de rennes, se fait passer pour un déporté balte récemment libéré et sur le chemin du retour, manque de se faire tuer à la frontière mongole, etc etc. Les aventures de Forell sont tout simplement inimaginables de hasard, de souffrance, de désespoir, mais on se demande quand même s’il ne finit pas par aimer d’une certaine façon la Sibérie.

Un roman d’aventures marquant, qu’il est impossible de lâcher, bien plus palpitant que bien des romans d’aventures abracadabrantes et inventées de toutes pièces

A propos des premières notes

Le premier devoir ayant eu lieu, ainsi que les premières colles, je voudrais faire deux remarques sur ces premiers résultats.

Que ce soit en physique ou en chimie, j’ai mis de très bonnes notes. Pour autant, je n’ai pas lu de très bonnes copies. Des copies solides et sérieuses, oui, mais pas de copies qui sortent du lot. Je veux dire par là que dans les copies ayant eu 18, les questions faciles et classiques sont traitées parfaitement, mais les questions difficiles ne sont pas ou pas bien traitées. Or, votre objectif est de décrocher un concours, de préférence avec le meilleur classement possible. Il ne faut donc pas se contenter du service minimum. Il faut en faire plus, s’attaquer au plus dur, s’échiner, et montrer que non seulement on est capable de faire le classique, mais qu’on est en plus capable d’avoir des idées sur le moins classique.

D’une façon générale, je pense qu’une majorité d’entre vous s’est mis au travail, même s’il reste quelques irréductibles qui n’ont pas fait grand’chose.

Celles et ceux qui ont travaillé mais ont l’impression que leurs notes ne récompensent pas leurs efforts ne doivent surtout pas se décourager. Ce n’est que le tout début. La prépa est un entrainement de longue haleine, dont le but est le concours dans 18 mois. Si votre travail ne paye pas, c’est qu’il n’est pas efficace. En prépa, le plus important n’est pas de savoir refaire les exercices que vous avez déjà vus, même si évidemment ça ne peut pas nuire, mais de comprendre et maitriser le cours et de comprendre et maitriser les méthodes de résolution des exercices. En effet, ce serait un coup de bol extraordinaire que le sujet de concours soit identique à quelque chose que vous auriez déjà fait. Les sujets de concours sont toujours originaux. L’important est donc de pouvoir s’adapter à un sujet original en s’appuyant sur des méthodes que vous avez vues pendant votre préparation.

C’est un exercice difficile de laisser tomber les vieilles recettes de bachotage, dont vous savez qu’elles ont fait leurs preuves pendant toutes vos années de lycée. C’est néanmoins nécessaire. Il faut :
1) comprendre, maitriser et connaitre le cours, avant toute autre chose,
2) savoir faire les exercices, non pas parce que vous en connaissez la résolution par coeur, mais parce que vous en comprenez parfaitement la résolution.

Si certaines ou certains ont des doutes et des inquiétudes, elles ou ils ne doivent pas hésiter à venir nous en parler. Nous sommes là pour ça, nous avons déjà vu passer pas mal d’élèves, et nous avons nous-mêmes été élèves. Les mauvaises notes en prépa ne sont nullement un plan prémédité pour en dégoûter le maximum et faire un écrémage à la limite du sadisme, comme on encore pu le lire récemment dans une tribune d’un universitaire, parue dans un quotidien de référence. Elles sont une juste image de votre niveau par rapport au niveau exigé par le concours, qui, je le précise et pour ce qui me concerne ne dépend nullement de moi : je ne suis pas, n’ai jamais été, et ne suis pas en passe, de faire partie du jury de quelques concours que ce soit.

J’en profite pour tordre le cou à une idée folle : il n’y a pas de quota de passage en deuxième année, tout comme il n’y a pas de barre pré-établie pour passer en 2è année. Notre décision, à la fin de l’année, sera motivée par une seule chose : nous ne laissons passer que des élèves dont nous pensons qu’ils ont une chance raisonnable de décrocher une écoles par la voie prépa. Et tout compte dans notre jugement : les notes, l’évolution des notes, le sérieux du travail, l’homogénéité des résultats dans les différentes matières, etc.

Résultats du devoir en temps limité de chimie n°1

Le devoir est moyennement réussi, avec une moyenne de classe de 10,5/20. Sur les 40 copies, 22 ont plus de 10, et 3 ont entre 9 et 10.

Je suis quelque peu surpris que les calculs (très simples) de pH aient somme toute été si peu réussis. Le calcul du pH d’un acide faible dans l’eau était pourtant totalement classique. Le pH de la solution d’ampholyte ne recelait aucun piège, sinon de savoir quelle était la réaction prépondérante ; je ne me suis pourtant pas privé de faire remarquer que c’était un panneau classique dans lequel les élèves tombaient fréquemment. La question 3, demandant d’identifier le domaine de prédominance de l’ion hydrogénosuccinate, et qui était totalement débile, avait pour seul but de (tenter de) vous mettre la puce à l’oreille.

Le dosage de l’acide propanoïque a été tout à fait correctement traité, mais celui de l’acide succinique a été une véritable catastrophe. Sans vouloir vous vexer, j’ai donné en devoir en temps libre le dosage de l’acide succinique … Je suis très heureusement surpris que les questions 8 et 10 aient été bien comprises (comparaison du pH à l’équivalence avec les pKa pour voir quelle espèce prédominait), mais je suis un peu surpris aussi que certains aient correctement répondu à l’une des 2 questions mais aient dit n’importe quoi à l’autre.

La détermination de l’acidité d’un vin, nettement plus originale, n’a pas été si bien réussie. La quantité de soude à verser a été souvent bien calculée, mais peu ont noté qu’il fallait rapporter cette valeur à un litre de vin (et non aux 5 mL sur lesquels on effectuait le dosage). Le passage à l’acide sulfurique n’a été traité que dans quelques copies.

Curieusement, le dosage rédox, et même l’équilibrage de l’équation rédox, ne vous a posé aucun problème dans l’ensemble. Tant mieux.

Dans l’ensemble, cependant, il reste des progrès à faire.