Chouette, j’ai un lecteur ! qui a laissé un commentaire à mon dernier billet sur le classement des prépas. Son commentaire m’inspire plusieurs commentaires, qui ne reflètent que mon opinion, dont je n’ai pas la prétention de penser qu’elle est la meilleure.
Tout d’abord, rappelons une évidence : le classement des lycées dépend éminemment des écoles considérées pour comptabiliser les intégrés. Comme je l’ai déjà dit, le classement du journal l’Etudiant ne prend pas en compte les écoles du concours G2E, dont certaines sont tout à fait prestigieuses (Géol Nancy ou l’ENGEES). En outre, ne considérer que certaines écoles d’un concours amène à des variations tout à fait considérables en fonction du lot qu’on choisit. Par exemple, le classement de l’Etudiant prend en compte les ENS et les écoles de premier rang du concours Agro-Véto (les écoles vétérinaires et les écoles d’Agronomie), mais laisse de côté les ENITA et les écoles de chimie (pourtant sur ce même concours Agro) ; en revanche, le classement de l’Express ne prend en compte que l’AgroParisTech (Agro Paris). Sur le classement de l’Etudiant, le lycée Fénelon est classé 15ème, dans l’Express, il est … 2ème !!
Il est facile de voir également que les choix des candidats sont très importants. En 2009, l’ENITA de Nantes a été l’école du concours Agro-Véto à avoir recruté le candidat le plus mal classé, et a eu le plus mauvais rang moyen d’intégration du concours ; autrement dit, elle apparait comme la moins bonne école du concours. Or, le meilleur candidat à avoir intégré cette école était 196è, et avait donc la possibilité d’intégrer n’importe quelle école du concours Agro ! Dans le classement de l’Etudiant, ce candidat n’a pas été comptabilisé comme ayant réussi, puisque l’ENITA de Nantes n’est pas prise en compte. J’ignore ce qui a poussé un candidat aussi brillant à aller à Nantes : erreur dans sa liste de voeux ? raison personnelle ? ou tout simplement que l’ENITA de Nantes lui plaisait plus ? Le calcul est facile à faire : pour une classe de 40 élèves, un élève qui est malade le jour du concours, ou qui fait le choix d’une « mauvais école » plutôt que d’une bonne, c’est 2,5% de différence dans le classement de l’Etudiant.
La mesure la plus objective possible d’une hypothétique efficacité des lycées ne serait-elle pas de comparer le niveau de sortie des étudiants (quel rang ont-il obtenu au concours ?) par rapport à leur niveau d’entrée en première année de prépa. Or autant le rang au concours (mettons le concours Agro-Véto) peut être une mesure sensée et consensuelle, autant j’ai peine à imaginer comment on compare les niveaux d’entrée des élèves… Les notes au bac ne sont guère pertinentes (on peut être très bon et s’être contenté d’avoir le bac, j’ai quelques brassées d’exemples), les notes de terminales ne sont pas faciles à comparer (lycées différents, classes différentes, enseignants différents). Je ne vois guère comment faire.
Mon commentateur (que je remercie encore une fois d’avoir commenté, ça fait toujours plaisir d’être lu), suggère qu’on effectue plutôt un classement des lycées en comptabilisant tous les intégrés, mais pondéré par un paramètre objectif, par exemple le salaire moyen de sortie des écoles. Outre la difficulté évidente à recueillir un tel chiffre, l’idée ne m’enthousiasme guère. Cela revient, me semble-t-il, à admettre que le salaire soit une bonne mesure de la compétence. Je n’en suis pas franchement convaincu. Sans vouloir tomber dans les contre-exemples faciles, mais pourtant édifiants (quel était le salaire d’Yves Chauvin, prix Nobel de chimie 2005, lorsqu’il à pris sa retraite de l’Institut Français du Pétrole ? je ne vais surtout pas le comparer à la rémunération de Jérôme K, trader, de tel ou tel « spécialiste financier » dans une agence de notation prestigieuse, ou d’un conseiller présidentiel cumulant deux rémunérations), il me semble que cela conforte l’idée que les étudiants ne choisissent les écoles qu’en fonction de paramètres purement pécuniaires. Or cela me parait faux, et particulièrement dans la filière BCPST. Tous les élèves que j’ai pu avoir qui voulaient être vétérinaires le voulait par passion, et je ne suis de toute façon pas certain que les vétérinaires roulent sur l’or. Certains veulent devenir ingénieurs forestiers non à cause du salaire (je doute qu’il soit mirobolant), mais parce que la forêt, c’est leur truc. Et puis oui, on peut avoir envie d’être géologue, même si l’Ecole de Géologie de Nancy n’a pas la cote chez l’Etudiant. Il y a même des gens qui veulent devenir chercheurs dans un laboratoire public !
Mon commentateur évoque à juste titre l’aide qu’on s’efforce d’apporter à nos élèves et l’ambiance dans les classes (deux paramètres évidemment très difficiles à quantifier).
Il me semble que l’ambiance ne dépend pas uniquement des enseignants ou du lycée, mais aussi des élèves. Comme dans tout groupe, il arrive qu’il soit très uni sans qu’on n’ait rien à faire, mais aussi qu’il ne le soit pas du tout, malgré tout ce qu’on peut faire. Et puis, les équipes d’enseignants ont chacune leur façon de faire, qui peut ne pas plaire à tout le monde.
D’autre part, sur l’aide apportée aux élèves, il me semble que, dans l’ensemble et quel que soit le niveau des prépas, les enseignants sont beaucoup plus attentifs et bienveillants à leurs élèves que jadis. Les prépas où les professeurs se fichent des états d’âme de leurs élèves, c’est quand même un peu du passé. Du reste, je crois que dans l’ensemble, les enseignants de prépa font du très bon travail.
Tout cela tend à me conforter dans l’idée que le classement des prépas n’est pas le meilleur outil pour chosir sa prépa. Le logement et les transports (surtout en région parisienne) sont cruciaux, et rien ne remplace d’aller parler aux étudiants qui y sont, pour savoir si on se sentira mieux dans telle ou telle prépa.