Le roman du mois de janvier

Histoire de faire gai, je me propose de vous conseiller un livre nigérian. L’auteur, Ken Saro-Wiwa, était président du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni, qui militait entre autre contre la mainmise des entreprises pétrolières sur les ressources du delta du fleuve Niger, l’exploitation des populations et la pollution insensée qu’elles engendrent. Comme il faisait un peu trop de bruit, et qu’il avait une fâcheuse tendance à mettre son nez dans les pots de vin et la corruption généralisée des autorités, il a été purement et simplement pendu en 1995 après un « procès » (les guillemets ne sont pas de trop) par un « tribunal » (celles-là non plus) militaire pour « meurtre » (là, les guillemets ne peuvent plus suffire). Le livre en question, édité chez Actes Sud et disponible dans la collection de poche de cet éditeur (collection babel), est intitulé Pétit Minitaire, traduction de l’anglais Sozaboy. Petit minitaire signifie évidemment Petit militaire, et Sozaboy est la déformation de Soldier Boy. Le livre entier est écrit en « Anglais pourri » selon l’expression de l’auteur, sorte de sabir anglophone qu’on pratique dans cette partie de l’Afrique, mélange de pidgin et de mauvais anglais mâtiné de quelques expressions anglaises idiomatiques. Les traducteurs ont fait de leur mieux pour retranscrire l’ouvrage dans un sabir francophone équivalent.

Sozaboy

L’histoire est celle d’un jeune homme (Méné) qui s’engage comme militaire pour l’amour d’une jeune fille. Quoique ce ne soit pas explicité, la guerre en question est celle dite « du Biafra », qui a opposé le pouvoir nigérian aux sécessionnistes de l’Est du pays (le Biafra) entre 1967 et 1970, guerre qui s’est soldée par la bagatelle d’environ 1 million de morts. Méné traverse la guerre sans y comprendre grand’chose, regardant avec les yeux du quasi-enfant qu’il est encore les tueries, les viols et les massacres. Roman écrit de main de maitre, mais pas vraiment idéal pour se remonter le moral.