Le commentaire suivant a été écrit dans un de mes billets.
« En cours de bio, on a démarré le chapitre “Métabolisme énergétique” et la prof a introduit la notion d’enthalpie libre, enthalpie libre des liaisons de covalence, et les termes de réactions exergoniques et endergoniques. Même après relecture du cours, je suis toujours dans le flou le plus total.
Qu’est-ce que l’enthalpie libre ?
Dans les réactions endergoniques, est-il possible de parler d’enthalpie libre ?
Je ne comprends pas la relation entre la variation d’enthalpie libre et la constante d’équilibre d’une réaction.
Ce qui m’amène à une dernière question : pourquoi un système à l’équilibre ne peut pas produire de travail, et que donc la variation d’enthalpie libre est nulle ? »
Je vais essayer de répondre sans trop embrouiller les idées (déjà floues), et dans l’ordre, même si dans un cours, on n’aborderait sans doute pas ces question dans ce sens. Mais d’abord, un point concernant le programme. Je ne connais pas dans le détail celui de bio, mais ce qui est certain, c’est que l’enthalpie libre est au programme de physique de 2è année. Elle ne peut s’introduire qu’après avoir largement abordé le cours de thermodynamique, et défini les notions d’énergie interne, d’enthalpie et d’entropie.
Disons tout de suite que l’ambition de vos questions est, disons, légèrement démesurée …
1) L’energie interne (notée U) et l’enthalpie (notée H) d’un système thermodynamique sont en réalité tout simplement des grandeurs reliées à l’énergie de ce système. Cependant, et c’est ce qui est le plus intéressant, la variation de l’énergie interne et de l’enthalpie d’un système sont reliées aux échanges d’énergie entre ce système et l’extérieur. Comme on le verra, en fonction des conditions (V constante ou P constante), il est plus commode d’utiliser l’une ou l’autre. Quand les processus se passent à P constante (ce qui doit être le cas en biologie ???), il vaut mieux utiliser l’enthalpie.
2) L’enthalpie libre (notée G) est aussi une mesure de l’énergie d’un système. A nouveau, ce qui est le plus intéressant, c’est que la variation d’enthalpie libre d’un système est reliée, à pression constante, à l’énergie échangée entre le système et le monde extérieur sous forme de travail.
Je précise ici (j’anticipe sur un cours qu’on fera très prochainement) qu’un travail est une énergie échangée dont il est possible de tirer parti (qu’on peut utiliser).
Un mot concernant le signe : si le système reçoit une énergie positive (travail ou chaleur), c’est que l’énergie va dans le sens monde extérieur vers système. Si le système reçoit une énergie négative, c’est qu’en réalité, l’énergie est libérée par le système vers le monde extérieur. (J’espère que ces conventions de signe sont les même chez les biologistes… malheureusement j’ai énormément peur que non).
3) En gros, l’enthalpie libre d’une liaison covalente est l’énergie qu’on doit fournir pour rompre cette liaison (dans des conditions particulières, genre à P constante).
4) Une transformation exergonique est une réaction au cours de laquelle l’enthalpie libre du système en réaction diminue. C’est l’inverse pour une réaction endergonique.
5) Là arrive le point crucial : on montre en thermodynamique que l’EVOLUTION SPONTANEE d’un système est associée à une DIMINUTION DE SON ENTHALPIE LIBRE. Autrement dit, un système évolue spontanément jusqu’à atteindre son minimum d’enthalpie libre. Si vous voulez augmenter l’enthalpie libre d’un système, vous devez lui imposer un sens d’évolution non spontané, et c’est ce que les organismes vivants ne cessent de faire (lorsqu’ils impose une différence de concentration de certains ions de part et d’autre d’une membrane, lorsqu’ils effectuent la synthèse de composés complexes, etc).
6) Le corrolaire de ce qui précède est que lorsqu’un système est à l’équilibre, son enthalpie libre est minimale (à pression constante ; si on est à volume constant, il faut utiliser l’énergie libre, qui est à l’enthalpie libre ce que l’énergie interne est à l’enthalpie).
7) On montre également en thermodynamique que lorsqu’un système évolue spontanément, il peut fournir un travail qui est au plus égal à l’opposé de sa diminution d’enthalpie libre.
8 ) On rassemble les pièces du puzzle. Lors d’une évolution spontanée, G diminue. Or, à l’équilibre G est à son minimum. De ce fait G ne peut pas diminuer pour un système à l’équilibre. Donc, un sytème à l’équilibre ne peut pas fournir de travail.
9) Pour terminer, on peut encore montrer en thermodynamique que la variation d’enthalpie libre au cours d’une réaction chimique est égale à -RT ln(K), où R est la constante des gaz parfaits, T la température à laquelle se déroule la réaction, et K la constante d’équilibre de la réaction à cette température.
On voit donc que si la réaction est spontanée, alors la variation d’enthalpie libre est négative (elle diminue), donc ln(K) est positif, et K>1. On retrouve bien qu’une réaction favorable a une constante d’équilibre >1.
Hélàs, tout ce que j’ai raconté est un peu sommaire, car en réalité l’énergie libre n’est pas seulement une mesure de l’énergie. Dans l’énergie libre intervient aussi une autre grandeur, qu’on appelle l’entropie, qu’on peut en gros associer au degré de désordre d’un système. Comme on le verra (mais alors pas tout de suite, sauf si je change drastiquement mes plans), un système a tendance à évoluer vers plus de désordre. En réalité, le minimum d’enthalpie libre atteint spontanément par un système est d’une certaine façon son optimum d’énergie ET de désordre.
PS1. Je crains qu’il n’y ait un léger manque de concordance entre les programmes de physique et de biologie.
PS 2. On ne dit pas « la prof », mais « Madame la professeure de biologie ».
PS3. Si seulement je savais ce que c’est que l’enthalpie libre (mais je m’égare…)
PS4. Il existe des ouvrages de bioénergétique. J’en ai un chez moi, mais qui date de 1965. Il est donc sûrement obsolète, en particulier, les notations ont changé, et les conventions de signe aussi, donc je ne vous le recommanderai pas. Je pense que Madame R. peut vous donner des références d’ouvrages sur le sujet.
PS5. Si un quelconque lecteur a des lumières sur le sujet, détecte une idiotie dans ce que j’ai essayé de raconter simplement, ou a des idées de bibliographie, merci de laisser un commentaire.
Merci beaucoup, Monsieur le professeur de physique-chimie.
C’est très clair.
Réponse : c’est gentil mais il ne faut quand même pas exagérer ! appeler claires des explications pareilles sur l’enthalpie libre … tout juste cela peut-il dissiper quelques brumes. Mais si ça vous a servi, j’en suis heureux.