Passer des ingrédients à un gâteau.

En réponse au mel d’une lycéenne inconnue mais lisant mon blog (je suis flatté), me demandant comment on passe des ingrédients à un gâteau, je peux donner les indications suivantes, tout en précisant que je ne suis pas du tout un spécialiste du sujet.

Tout d’abord, cette question relève d’un domaine de la physico-chimie appelé la gastronomie moléculaire, et animé principalement par un chercheur français du nom de Hervé This. Il a d’ailleurs écrit de nombreux livres sur les rapports entre cuisine et sciences physiques, dont certains sont plutôt à destination du grand public, et d’autre plus approfondis et donc à destination des étudiants en sciences. Il est facile de se procurer les titres de ses ouvrages sur le site d’Amazon par exemple.

Pour ce qui concerne le sujet, il faut d’emblée préciser qu’il est très vaste. Même pour un gâteau de base, de nombreux phénomènes physiques et chimiques sont à l’oeuvre, et il n’est même pas sûr que tous aient été identifiés, sans même parler d’avoir été compris. Je vais me contenter de donner quelques indications et pistes de recherche pour aller plus loin. Il me parait déraisonnable, dans le cadre d’un TPE ou d’un TIPE de vouloir traiter l’intégralité du passage des ingrédients au gâteau final.

D’abord, les phénomènes physico-chimiques mis en jeu.
Le premier phénomène évident est celui du mélange. Le but d’une recette est de mélanger des ingrédients. Mais, en fonction de leur nature, il ne se passe pas toujours la même chose. Par exemple, le sucre va se dissoudre dans une solution aqueuse (du lait par exemple, ou du blanc d’oeuf). De même, les corps gras se mélangent bien (du jaune d’oeuf et du beurre, ou du jaune d’oeuf et du chocolat). Tout cela relève du domaine des interactions entre molécules : celles qui forment des liaisons entre elles se mélangent, les autres non (par liaison, je n’entends pas liaison covalente, mais liaisons au sens large, ce qu’on peut trouver sous le nom de liaison intermoléculaire, interactions de faible énergie, interactions de Van der Waals, etc). Le fait que le mélange soit homogène ou non dépend aussi des proportions : lorsqu’on fait une pâte sablée, on met énormément de farine, et on obtient un mélange qui ressemble à un tas de sable, ce qui n’est pas du tout le cas quand on fait une pâte à far breton (une sorte de flan) où on obtient en définitive une pâte onctueuse et liquide (avec des ingrédients identiques).
Un autre phénomène à considérer, lorsque les ingrédients ne sont pas miscibles, est celui de l’émulsion. Lorsque deux substances sont non miscibles, mais qu’on agite vigoureusement, un des constituants (généralement celui qui est minoritaire) se répartit en petites gouttes ou bulles dans l’autre constituant. C’est le cas des blancs d’oeufs en neige (air piégé en petites bulles dans le blanc d’oeuf). Il y a alors des problèmes d’interface, c’est-à-dire qu’il se passe des choses à la surface de contact entre les deux substances (mots clés : tension superficielle, tension interfaciale, énergie de surface). Ce problème peut faire penser à un autre : celui des grumeaux, où il y a également des problème d’énergie de surface.
Lors de la cuisson, il y a parfois des histoires de pâte qui monte (pâte à choux par exemple), là je ne sais pas trop ce qui se passe, sauf s’il y a de la levure, qui dégage du gaz à la cuisson.
Cette liste n’est sûrement pas limitative, mais c’est les idées qui me viennent.

Pour ce qui concerne les réactions chimiques proprement dites, je pense qu’elles sont innombrables. En voici quelques unes.
Lorsqu’on monte les blanc en neige, en plus de former une émulsion, on modifie chimiquement la structure de l’albumine, protéine qui constitue le blanc d’oeuf, en créant des liaisons supplémentaire entre des parties de la molécules (qui est très longue, c’est un polymère). C’est la dénaturation d’une protéine.
La formation du caramel est une réaction de polymérisation : les molécules de base qui constituent le sucre (sucrose) se lient les unes aux autres pour former une longue chaine.
Dans un autre ordre d’idée, la levure chimique est une substance qui se décompose à la chaleur, la réaction mise en jeu libérant un gaz (du CO2 je crois).
Enfin, la formation des parties brunes des aliments cuits (croûte du pain et des gâteaux, dessus de la viande grillée ou rôtie) résulte d’une réaction bien connue appelée la réaction de Maillard. Si celle-ci est trop poussée, on obtient des composés ayant le goût de cramé, et qui sont généralement cancérigène (molécule principale : l’acroléine).

Voilà un petit tour d’horizon, très limité, mais qui devrait permettre de démarrer des recherches. Outre les livres de Hervé This (que je n’ai pas lus, je ne peux donc rien en dire), je signale deux livres :
– la chimie du petit déjeuner,
– la chimie des couleurs et des odeurs.
Il y a aussi une page sur le sujet de la gastronomie moléculaire sur:
– le site de l’INRA (où exerce actuellement Hervé This)
– le site du CNRS.
Bonne recherche.