L’essai du mois de février

Au menu de ce mois de février, un diptique (à ne pas confondre avec un dytique) de l’anthropologue Nigel Barley.

Déjà, je rappelle aux ceusses qui n’ont pas de dictionnaire qu’un anthropologue est une personne qui étudie les sociétés humaines. Un temps fut, le principal travail de l’anthropologue était de trouver toutes les preuves possibles et imaginables visant à démontrer que les noirs/marrons/gris/rouges/jaunes et autres bleus étaient nettement inférieurs à l’Homme Blanc  (ne pas oublier les majuscules) et tous plus ou moins simiesques. Après, on pouvait faire de subtiles hiérarchies mêlant hommes et femmes, mais là les choses se compliquaient : la femme blanche était clairement inférieure à l’homme blanc, on était bien d’accord, mais à l’homme noir, hein ? Ah ! que de problèmes à résoudre pour l’anthropologue Blanc ! Quand je tombe sur des vieux textes sur ce thème, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce bon mot d’André Gide, inspiré par son voyage au Congo : « Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui parait bête. »

Les temps ont heureusement changé, et on peut dire que l’anthopologie est devenue une discipline digne de ce nom et relativement fascinante, principalement parce qu’elle oblige à remettre en cause beaucoup de ses préjugés. Aussi bête que cela puisse paraitre, les couleurs, par exemple, ne sont pas universelles : elles ne sont pas perçues de la même façon dans tous les groupes humains (ainsi que l’étude des mots les désignant le montre). Je ne sais plus trop où j’avais lu ça, peut-être bien dans un numéro spécial de Pour la Science sur la couleur.

Bref, arrivons-en au fait. Nigel Barley est un anthropologue britannique, à qui l’idée est venue d’aller étudier les Dowayos, groupe humain vivant au Nord du Cameroun. Comme un anthropologue est un anthropologue, il commence par faire l’anthropologie de sa demande de crédit auprès de son employeur, ce qui est déjà cocasse. Il relate ensuite ses aventures chez les Dowayos, avec un humour tout britannique. Bien loin d’être des sauvages un peu niaiseux, les Dowayos s’avèrent de redoutables négociateurs, de fins psychologues et des débrouillards de première. Le pauvre anthropologue en ressort totalement éreinté, roulé dans la farine, exploité sans vergogne par ses hôtes qui s’amusent beaucoup à ses dépens.

Les deux ouvrages sont disponibles aux éditions Payot (en format poche) : Un anthropologue en déroute et Le Retour de l’anthropologue.

PS : n’allez surtout pas croire que le travail d’un anthropologue consiste juste à aller passer des vacances en Afrique pour ensuite écrire des livres rigolos. Ca n’est que le côté grand public de l’affaire, bien entendu.