Le réchauffement climatique a un effet secondaire amusant : il décongèle peu à peu les mammouths qui parsèment le sous-sol sibérien. Comme ceux-ci sont morts il y a peu de temps (comparativement aux dinosaures par exemple), les carcasses sont plutôt du genre viande de boucherie que du genre fossile. Comme le dit avec humour un paléontologue dans cet article du Monde, les os sont encore tellement plein de graisse qu’on pourrait faire un pot au feu. Du coup, on peut récupérer de l’ADN, et il semble à peu près établi que d’ici une cinquantaine d’années, on les aura clonés à l’aide de cellules d’éléphants vivants. Du coup, certains se prennent à rêver : faisons pareil avec le tigre à dent de Sabre, et comme ça on verra bien si c’était un tigre ou un lion, avec l’auroch machin et le cerf bidule. D’ailleurs, un type en Sibérie commence déjà à préparer un parc pour y relâcher les premiers mammouths … d’ici une cinquantaine d’années.
Au fait … et pourquoi pas avec un Néandertalien ?
Là, ça se corse. On parle beaucoup des limites du clonage sur les espèces vivantes, mais sur les espèces disparues, c’est silence radio. Or deux conceptions s’affrontent chez les paléontologues : ceux qui pensent que Néandertal est un cousin proche, donc un Humain (opinion partagée en particulier par la communauté des paléontologues français), et ceux qui pensent que Néandertal n’est pas un humain (c’est plutôt l’opinion répandue dans le monde anglo-saxon). L’enjeu est de taille, car la première option implique d’appliquer au clonage de Néandertal les mêmes limitations qu’au clonage humain, et la seconde implique au contraire qu’on peut faire des clones de Néandertal comme des clones de brebis, de rats ou de lapins (je n’allais quand même pas rater l’occasion de parler de lapin !).
Pour ou contre le parc des Néandertaliens ?
Disons-le : un zoo, c’est déjà un peu pénible à visiter, surtout les enclos des éléphants, généralement un petit carré de terre boueuse, ou celui des fauves neurasthéniques. Mais un enclos avec des Néandertaliens, ça me rappelle quand même franchement les Nègres qu’on montrait dans les Expositions universelles au 19è siècle, ou les Indiens qu’on avait ramenés d’Amérique pour les montrer à Louis XV.
Les Néandertaliens ne sont pas des Homo Sapiens Sapiens. Mais ce sont quand même des Homo Sapiens, puisqu’ils sont Homo Sapiens Neandertalensis. Sauf derniers développements qui m’auraient échappés, il semble établi qu’ils ne possèdaient pas le langage. En revanche, ils avaient des rites funéraires, et une vie en société tout à fait organisée. Dans Le Singe, l’Afrique et l’Homme (livre qui commence à dater: 1983, et publié chez Odile Jacob), Yves Coppens parlait déjà de « rituels complexes comme ceux de l’enterrement des morts avec offrandes et lits de fleurs dans des fosses spécialement creusées, aux parois ocrées », et précise qu’ils furent les « premiers artisans des premières industries du Paléolithique supérieur ».
En résumé, ce n’étaient pas des animaux. Et moi, je n’irai pas visiter le parc des Néandertaliens.
Une série de romans de Jasper Fforde joue de manière vraiment très drôle sur le thème des Néanderthaliens et des Mammouths (entre autres choses) et la place que des clones de ces espèces prendraient dans notre monde (maisons écrasées par les migrations annuelles des mammouths, association de reconnaissance des droits de l’homme de Néanderthal, etc.) : http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9livrez-moi.
A réserver aux vacances, parce que si on adhère à la loufoquerie de Fforde, on a du mal à lâcher les bouquins (et il y en a 5 !)