Author Archives: NiCl2

L’essai du mois de juin

Le livre que je vous propose ce mois-ci est un classique, que vous avez d’ailleurs peut-être déjà lu : La vie est belle de Stephen Jay Gould, édité au Seuil, et également disponible en collection points science. Dans toute la suite, les spécialistes qui lisent mon blog auront de l’indulgence pour l’ignare que je suis et sont invités à corriger mes inepties dans les espaces prévus à cet effet.

Gould est un auteur que j’aime bien à plus d’un titre. D’abord, c’est un scientifique de tout premier rang, qui a contribué à renouveler la vision de la théorie de l’évolution. D’autre part, c’est un scientifique qui fait l’effort de mettre à la portée du grand public les découvertes faites dans son domaine de recherche, et ceci avec beaucoup de réussite. Contrairement à d’autres livres de vulgarisation, ses ouvrages sont réellement à la portée de n’importe qui, et pourtant, Gould ne cède pas à la facilité de la simplification excessive. C’est un auteur qui considère que ses lecteurs sont a priori suffisamment intelligents pour comprendre des concepts compliqués, et qui d’autre part écrit suffisamment bien pour que le lecteur puisse effectivement comprendre lesdits concepts. En d’autres termes, Gould est de ces auteurs qui nous font nous sentir intelligents, et cela est naturellement très flatteur.

La vie est belle est centrée sur un endroit appelé le Schiste de Burgess, situé au Canada. Il s’agit d’une sorte de rêve de paléontologue et d’évolutionologue (ça, ça s’appelle un néologisme). Ce schiste a été formé au tout début du Cambrien, il y a 530 millions d’année, soit au cours de l’un des épisodes de plus grande prolifération d’espèces nouvelles. Il est l’occasion pour Gould de montrer comment la fonctionne la science à tous les niveaux, du plus bas : le travail parfois fastidieux de recherche (ici mettre au jours les fossiles, les trier, les classer, les reconnaitre), la nécessité d’une imagination débordante (essayez de reconstituer en 3 dimensions un animal inconnu dont vous n’avez que des traces écrabouillées en 2 dimensions !), l’interprétation des résultats au vu des connaissances passées (et ici il s’agissait pour le professeur Harry Whittington de confronter en 1971 ses résultats à des faits qui paraissaient solidement établis par Charles Walcott 60 ans plus tôt), et éventuellement l’émergence d’idées totalement nouvelles. En l’occurrence, le Schiste de Burgess a permis de découvrir des dizaines d’embranchements nouveaux, et a apporté de l’eau au moulin de ceux qui défendent une vision buissonnante de la théorie de l’évolution (ça part dans tous les sens) contre la vision linéaire de cette même théorie (ça avance toujours dans le même sens selon une ligne droite).

L’exposé de Gould est d’une limpidité totale, et son livre est presque construit comme une enquête policière. La partie que je préfère est celle où il expose le travail de reconstitution des animaux à partir des fossiles retrouvés, et comment c’est d’abord l’incrédulité qui a été de mise à la vue des ces êtres vivants qui ne ressemblent à rien de connu, et dont on se demande comment diable ils pouvaient fonctionner. Palpitant de bout en bout ! sans compter qu’à la fin, on voit un potentiel ancêtre. Qui eu crû qu’une telle chose, appelée Pikaia, pût donner un vertébré, disons – au hasard – un gentil petit animal au poil soyeux et aux longues oreilles. Qui a dit un âne?

Le roman du mois de juin

Rattrapé par l’actualité, je change mes plans. L’écrivain portugais José Saramago est mort aujourd’hui. C’est un auteur que j’admire énormément pour son originalité. Beaucoup de ses romans ont une intrigue totalement invraisemblable : détachement de la péninsule ibérique du continent européen (Le Radeau de Pierre), cécité simultanée de toute la population d’un pays (L’Aveuglement), refus de voter d’une ville entière (La Lucidité), rencontre entre Dieu et le Diable (L’Evangile selon Jésus-Christ), etc. Ces situations farfelues sont pour l’auteur un magnifique prétexte pour décortiquer avec minutie et de façon totalement impitoyable la société dans laquelle nous vivons et montrer les plus bas instincts toujours prêts à resurgir à la moindre occasion. Si je n’en avais qu’un à recommander, ce serait L’Aveuglement, paru aux éditions du Seuil, et également disponible en collection Points (où le roman s’appelle désormais Blindness/L’Aveuglement depuis qu’un film en a été tiré, sans commentaire). Comment, dans une société où tout le monde est devenu aveugle, la lutte pour la survie transforme les humains en barbares absolus. C’est à  frémir.

Correction du devoir en temps limité de chimie n°8

Le devoir n’est pas très réussi, avec une moyenne de 9,6/20.  Il y a 20 copies qui ont plus de 10 et 3 copies entre 9 et 10.

L’exercice 1 a une moyenne de 10,3/20.

Je déplore principalement deux choses : d’une part, vous n’êtes pas efficaces dans votre façon d’aborder les problèmes, et d’autre part vous n’écoutez pas mes bons conseils.

Concernant la façon d’aborder les problèmes, j’ai l’impression que vous ne lisez que superficiellement les énoncés. Le titre parle de synthèse d’étheroxydes. Les questions 6 à 9 se réfèrent à quelques lignes dans lesquelles il est écrit qu’on travaille à 0°C. Penser à une élimination, c’est gonflé !
D’autre part, je souhaiterais que vous soyiez bien convaincus que le verbe « expliquer » en physique ou en chimie n’implique pas qu’il faille se lancer dans une page de longues phrases filandreuses. Expliquer une réaction, c’est tout simplement schématiser ce qui se passe : première étape, il se passe ça, deuxième étape, il se passe ceci, etc, éventuellement agrémenté de termes lumineux, du style « site nucléophile » (avec une petite flèche qui le montre) ou « site électrophile » etc. J’ai eu bien du mal à comprendre la réponse à la question 10 dans bon nombre de copies !

Concernant mes bons conseils, je vous avoue un certain découragement. J’ai bien précisé, et à de nombreuses reprises que la SEULE façon raisonnable de ne pas se tromper dans la stéréochimie d’une SN2 est de représenter dans le plan de la feuille les liaisons et les atomes impliqués dans la réaction. Une quantité infinitésimale d’entre vous a été capable de donner la configuration correcte de D, ce qui était pourtant très facile.
Dans le même ordre d’idée, j’ai bien précisé que les histoires de solvants, c’est du deuxième ordre pour trancher entre un mécanisme monomoléculaire ou bimoléculaire. Réussir à invoquer une SN1 lors de la synthèse de l’éther-couronne, alors que l’iodoalcane est primaire et sous prétexte que le solvant est polaire, c’est nul. Le paramètre n°1  à considérer est la classe de l’halogénoalcane (qui conditionne la plupart du temps la stabilité du carbocation et l’accessibilité du carbone réactif au nucléophile), le solvant, c’est seulement dans les cas litigieux (halogénoalcane secondaire) qu’on doit s’y intéresser. Certains ont eu le culot de proposer que F perde ses deux atomes d’iode d’un coup, pour aboutir à un double carbocation primaire !!
Toujours dans la même veine, j’ai vaguement l’impression que les devoirs en temps libres ne sont mêmes pas lus par la plupart d’entre vous. Dans le dernier, il y était question d’une molécule qui réagissait par ses deux extrémités, et dans la correction, il était indiqué que cela se faisait en 2 fois (d’abord un côté, puis l’autre côté). C’est général ; tout ne se passe pas en même temps, car tout ne peut pas se passer en même temps. Rappelez-vous le cours de cinétique : si une molécule réagit en même temps par ses deux extrémités, cela signifie qu’on aurait un acte élémentaire trimoléculaire, ce qui est très improbable.

Je termine avec le classique florilège :
– ne toujours pas savoir représenter un carbone de configuration S, même dans un cas aussi trivial que le 2-bromobutane !!
– ne pas savoir que si la cinétique est du deuxième ordre, c’est forcément une SN2 et pas une SN1,
– ne pas savoir déterminer la configuration électronique d’un atome,
– ne pas savoir que le cation Tl+ a un électron de moins (et non de plus) que l’atome neutre Tl,
– ne pas savoir qu’une espèce qui arrache un H+ est une base (et non un nucléophile et encore pire un acide !!).

L’exercice 2 est moins bon (8,3/20).  Il était plus original, avec des réactions qu’on n’a pas vues en cours, mais de mécanismes proches de réactions connues. Je suis consterné par certaines choses :
– le mécanisme de la dihalogénation d’un alcène est inconnu de certains,
– dans la plupart des mécanismes, il manque des flèches et des charges,
– j’ai vu un nombre affreusement élevé de carbocation primaire qu’aucune conjugaison ne venait stabiliser, ce qui est INADMISSIBLE après un trimestre de chimie organique,
– j’ai vu trop souvent des ions hydroxyde intervenir dans des mécanismes catalysés par un acide (en milieu acide, il ne peut pas y avoir d’hydroxyde autre qu’à l’état de traces),
– combien de fois devrais-je répéter que l’autoprotolyse de l’eau ne fournit que des quantités négligeables d’hydroxyde (ou d’oxonium évidemment).

Correction du devoir en temps libre de physique n°8

La moyenne du devoir est de 10,6/20. La moyenne est atteinte par 22 copies, et 1 copie a entre 9 et 10.

Le devoir commençait par 10 questions faciles, plus ou moins traitées en cours ou en TD. C’était l’occasion de faire des points sans difficulté. Je constate avec plaisir que presque tout le monde sait calculer le travail reçu par un gaz parfait sur une isotherme, même si je déplore fortement que quelques irréductibles sortent la pression de l’intégrale comme si elle était constante. Quelques remarques tout de même.
– Une adiabatique réversible a une pente négative dans le diagramme en coordonnées de Clapeyron. Il faut donc tracer une courbe qui respecte ce critère simple. Et si en plus elle a une allure hyperbolique, c’est encore mieux. En outre, si on trace une courbe représentant une compression, on ne peut avoir le volume final plus grand que le volume initial.
– Il est nécessaire de justifier, ne serait-ce que rapidement, pourquoi Pext=P.
– Le fluide de la machine n’est pas en contact avec les sources sur les adiabatiques réversibles, puisque par définition, il n’y a pas d’échange de chaleur au cours de telles transformations !
– Le théorème de Carnot pointait le bout de son nez à la question 8. C’est lui qu’on demandait de retrouver. Il faut le dire, et ensuite l’énoncer : pour une machine réversible, le rendement ne dépend que des températures des sources. J’ai lu plusieurs fois « ne dépend que des températures », ce qui n’est pas le théorème de Carnot. J’ai lu aussi « ne dépend que des températures extrêmes », ce qui n’est pas non plus le théorème de Carnot.

La suite était plus originale et, comme souvent en thermodynamique, nécessitait d’admettre quelques approximations. Le cycle proposé n’est plus réversible, mais reste un cycle de Carnot, ce qui peut sembler contradictoire, sauf si on comprend que le cycle réel est approximé à un cycle de Carnot (rappelez-vous la tête du cycle de Beau de Rochas et ce qu’on arrive à en faire pour mener les calculs à bien). Le fluide n’atteignant jamais les températures des sources, il y a inhomogénéité de température entre le fluide et les sources, ce qui est la cause d’irréversibilité.
Le calcul des temps a été correctement fait, même si je déplore que personne n’ait signalé que l’intégration était triviale parce que (TS-T)/Rth est une constante.
Attention aux conventions de l’énoncé. A la question 11, beaucoup ont eu l’impression qu’il y avait une erreur de signe, mais en fait non. La grandeur W était définie comme le travail fourni par la machine, donc l’opposé du travail reçu par le fluide. Même si, par souci de clarté, je raisonne toujours sur le travail reçu dans le cours, il ne faut pas croire que W est forcément le travail reçu. D’ailleurs, dans mon cours, je précise toujours Wreçu, et il y a une bonne raison à ça.

Pour finir, le rendement des centrales nucléaires proposées est assez bas, mais proche du rendement obtenu dans les conditions où la puissance délivrée est maximale. Ceci peut paraitre du gaspillage, mais c’est en fait inévitable. En effet, lorsque tout le monde se réveille le matin, ou lorsque tout le monde rentre chez soi le soir faire sa cuisine, il y a des pics de consommation. Il est donc indispensable que les centrales puissent fournir en très peu de temps une quantité importante d’électricité, autrement dit qu’elles puissent fournir une puissance élévée. A moins qu’on n’institue des tours (ceux dont le nom commence par A se lèveront à 6 h et feront leur café avant 6 h 10, ceux dont le nom commence par B etc…), il est impossible de faire autrement, du moins tant que l’électricité ne sera pas produite localement. Le jour où chacun aura ses panneaux solaires, et où le stockage de l’électricité sera au point, les choses pourront être différentes.

Quelques perles pour finir.
– Une habitude : 1/(a+b)=1/a+1/b, ou diverses variantes.
– Le cycle doit être parcouru vers la droite (variante : de gauche à droite). J’ai du mal à comprendre comment cela décrit un sens de rotation …
– Le cycle est décrit de sorte à être d’abord en contact avec la source chaude puis la source froide. Il me semble que, quel que soit le sens de parcours du cycle, cela arrivera nécessairement, puisque c’est un cycle, justement.

Plus bidon tu meurs

Les importantes et meurtrières inondations qui sévissent actuellement en Pologne viennent d’être l’occasion d’une candidature au concours de l’excuse la plus bidon. Selon cet article de Libération, le gouvernement polonais vient de désigner les coupables : les castors. Cependant, le ministre de l’intérieur tient à préciser que les campagnols sont aussi sur le banc des accusés. On dirait du Coluche.

Bien sûr, ces cochons de castors ne respectent rien ! Pensez-vous, ils font des trous dans les digues. Les services de l’état ne sont évidemment pour rien dans le défaut de surveillance des digues, sans même parler de leur entretien. L’urbanisation anarchique, ça n’existe pas. L’augmentation du ruissellement en raison de l’augmentation des surfaces bétonnées (empêchant l’infiltration des eaux pluviales dans les sols), c’est une fadaise d’écologiste. D’une façon générale, personne n’y est pour rien, c’est la faute aux castors.

Pas de chance, ils sont « partiellement protégés ». Gageons que leur protection « partielle » risque de l’être de moins en moins. D’ailleurs, les quotas de chasse au castor ont été augmentés.

J’espère qu’on va vite trouver les responsables des dégâts de la tempête Xyntia. Y a pas de castors en Vendée, mais on peut certainement trouver un bouc émissaire.

Petit jeu pour finir : complète les phrases suivantes avec les mots proposés.
Les digues sont rompues par la faute des castors.
J’ai raté mon devoir par la faute des __________ .
Le métro était en retard par la faute des __________ .
J’ai oublié ma blouse à cause des _________ .
J’ai pas révisé ma colle à cause des __________ .

(cyclones, lapins, obsèques du chat de ma voisine, extraterrestres)

Quelques bien belles images …

… disponibles sur le site du Boston Globe.

Des photographies prises par la sonde Cassini, actuellement en orbite autour de Saturne. C’est quand même mieux que les habituelles  » vues d’artistes  » qu’on s’obstine à nous servir dans diverses revues scientifiques à destination du grand public.

Des photographies du Mont Saint Helen, qui est entré en éruption il y a juste 30 ans. Une éruption tout à fait impressionnante.