Un ancien ministre, dont le nom ne mérite pas d’être cité ici (du moins pas pour ses opinions sur le climat, car en d’autres domaines et en d’autres temps, il a été un spécialiste mondialement reconnu), a récemment pondu un livre dénonçant le « système mafieux » du GIEC.
Je n’ai pas lu ce livre, et je n’ai pas la moindre envie de dépenser un centime qui irait dans la poche de ce monsieur. A en croire quelques journalistes qui l’ont décrypté, il semble que l’auteur de ce livre se soit permis, disons, des imprécisions. Je vous renvoie donc à ces deux articles du Monde.fr. Le premier met en évidence quelques contre-vérités énoncées par cette personne (études qui n’existent pas, auteurs qui n’existent pas, etc), le second montre que le livre fait dire à des scientifiques reconnus ce qu’ils ne disent pas, et comment des affirmations de non-scientifiques sont mises au même niveau que des études sérieuses.
Je rappelle que le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) est constitué de milliers de scientifiques qui travaillent sur les sciences de la Terre et de l’univers (océans, atmosphère, Soleil, etc…). Ils effectuent des travaux selon les normes scientifiques en vigueur (en particulier relecture par des scientifiques étrangers au travail avant la publication de celui-ci), puis élaborent régulièrement un rapport donnant les conclusions de leurs travaux, et les évolutions possibles du climat. Les travaux réalisés mettent en évidence, au-delà de tout doute raisonnable, que le réchauffement climatique est une réalité, qu’il est nettement plus rapide que ceux qui ont eu lieu dans le passé, et qu’il est dû aux activités humaines.
Des erreurs dans le dernier rapport du GIEC (en fait, UNE erreur, qui a été répétée et commentée ad nauseam), ont donné lieu à des attaques d’une violence inouïe contre lui. Par exemple, cet article, écrit par quelqu’un qui se présente comme un philosophe, qui parle de « terrorisme intellectuel » (le mot terrorisme peut être mis à toutes les sauces, les victimes d’attentats apprécieront), ou de « scientifiques de premier plan [suggérant de] criminaliser le révisionnisme climatique » (le mot révisionnisme peut aussi être mis à toutes les sauces). Face à une telle accusation, le moins du moins pour qu’on prenne ces paroles au sérieux serait de citer une référence : qui est le scientifique de premier plan qui a dit ça ? et quels sont exactement ses propos ? On n’est quand même pas tenu de croire sur parole le premier quidam venu, sous prétexte qu’il écrit une tribune dans Le Monde !
Les dernières lignes lève le voile : ce philosophe est le fondateur de l’Institut Hayek. Voyons, voyons, Friedrich Hayek ? ah oui ! le père de l’ultra-libéralisme économique. Cela rend d’autant plus savoureux l’appel de l’auteur de l’article à « renouer un débat sans arrière pensée politiques, idéologiques et financières ». Doit-on comprendre que les économistes qui se réclament de Hayek n’ont aucune arrière pensée politique ou idéologique (ils disent juste que sans Etat, tout irait mieux, mais ça n’est pas du tout de la politique, et ça n’est pas du tout idéologique). Quant à « aucune arrière pensée financière », est-ce que ça veut dire : « il est temps d’arrêter de financer les scientifiques avec l’argent public » ?
Et puis, admirons au passage le néologisme méprisant : le « réchauffisme ». Bien sûr, toute cette agitation sur le réchauffement climatique, c’est ces satanés intellectuels de gauche (« les sympathisants et tenants des idéologies étatistes », ça veut dire les communistes) qui, depuis la disparition du bloc soviétique, n’avaient plus de grain à moudre. Alors ils ont trouvé un nouveau mensonge pour critiquer la bonne économie ultralibérale de papa Hayek. Et c’est cet auteur qui appelle à un débat sans arrière pensée idéologique ? C’est à mourir de rire à pleurer. Lecteurs-lectrices, si vous êtes inquiets du réchauffement climatique, sachez qu’en fait vous êtes manipulés par des krypto-communistes !
On avait déjà eu droit à l’insulte : « droits de l’hommistes » (c’est vrai, franchement, défendre les droits de l’homme, c’est dépassé, voire irresponsable), maintenant on pourra qualifier de « réchauffistes » ceux qui se posent des questions sur l’avenir de la planète. Je rappelle que l’auteur de cet article souhaite un « débat ouvert, honnête et digne de ce nom ». Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’en prend pas le chemin.
A consulter également :
– le site de JM Jancovici (je ne me lasserai pas de le répéter),
– le site de Tomroud, je mets un lien vers un des ses derniers articles sur le réchauffement climatique.