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Un pas de plus dans la « vision » des atomes

Je vous signale un article passionnant dans le numéro de janvier 2011 de Pour la Science. Il s’agit de la page 71, écrit par Ahmed Zewail. Ce scientifique a été récompensé à très juste titre par le prix Nobel de chimie en 1999 pour avoir mis au point une méthode permettant de « voir » une réaction à l’échelle atomique, en l’occurence l’échange d’un atome entre deux molécules.

Dans cet article, il décrit une nouvelle méthode, mise au point par son équipe, permettant de « filmer » les mouvements des atomes. Pour cela, il doit résoudre deux problèmes majeurs : réussir à avoir une bonne résolution spatiale (on doit distinguer des détails qui ont une taille d’environ 0,1 nm, autrement dit, il faut pouvoir « zoomer » efficacement), et aussi avoir une bonne résolution temporelle (lors d’un changement de conformation d’une molécule comme le repliement d’une protéine, les atomes se déplacent à environ 1 km/s, ce qui impose de prendre une « image » en moins de 10 fs, sous peine de ne voir que du flou).

La méthode mise au point utilise en fait deux techniques connue depuis longtemps : le microscope électronique à transmission, et la photographie stroboscopique, mise au point par le photographe français Etienne-Jules Marey pour analyser les mouvements rapides (marche d’un être humain, retournement d’un chat qu’on laisse tomber, comparaison du trot et du galop d’un cheval et réponse à la question de savoir si lors du galop il arrive ou pas que les 4 pattes du cheval soient sans contact avec le sol). Il y a des liens sur la page wikipedia. Des « images » prise par l’équipe de Zewail sont disponibles ici.

Evidemment, quand je dis que Zewail et son équipe utilisent deux techniques bien connues, je ne veux pas dire par là que son travail en est moins remarquable. C’est précisément une des choses qui distinguent les génies des gens ordinaires : être capable d’extraire quelque chose de révolutionnaire de considérations banales et ordinaires.

Fiabilité des tests ADN

Je vous invite à lire le très intéressant article de Jean Pierre Manach dans le Monde sur la fiabilité des tests ADN.

Il montre, exemple à l’appui, que la réputation de preuve absolue du test ADN est plus qu’usurpée, principalement à cause d’erreurs humaines (matériel contaminé, manipulation erronée…), mais aussi à cause de calculs de probabilité contestables, voire franchement faux.

Si l’on a pu se réjouir de voir démontrée l’innocence de condamnés à tort (y compris à la peine capitale) grâce à une analyse ADN, il est assez inquiétant de constater que des innocents sont également condamnés sur la foi de test ADN.

A propos de l’étalon universel de masse et de sa disparition

Comme vous le savez sans doute, le système international (SI) définit les unités de base à partir desquelles il est possible de définir toutes les autres. Elles sont au nombre de 7, dont le mètre et le kilogramme.

Le problème est évidemment de définir ce qu’est un mètre ou un kilogramme. Au départ, ces grandeurs étaient définies à l’aide de systèmes matériels, soigneusement conservés au Bureau International des Poids et Mesures, à Sèvres près de Paris. L’étalon du mètre par exemple était un barreau de platine et d’iridium, de même l’étalon du kilogramme est un cylindre de ce même alliage. Le problème est de savoir si ces étalons ont vraiment une masse ou une longueur constante. Pour la longueur, c’est évidemment non puisqu’un métal se dilate ou se contracte en fonction de la température, ce qui imposait des conditions de conservation particulièrement strictes. Il en est de même de l’étalon de masse qui prend environ 1 microgramme par an, parce que des poussières se déposent à sa surface, et ce malgré un dépoussiérage régulier.

L’idée est donc de définir des étalons virtuels, et ceci peut se faire à l’aide de constantes universelles de la nature. L’étalon du mètre a déjà été dématérialisé il y belle lurette ; un mètre est défini à partir de la seconde et de la vitesse de la lumière (qui est une constante universelle), la seconde étant elle même définie à partir d’une transition électronique dans un atome (de césium je crois, mais je ne suis plus trop sûr et j’ai la flemme de vérifier). L’étalon historique du mètre est bien sûr encore visible, mais il n’a plus qu’un intérêt … historique.

Se débarrasser de l’étalon du kilogramme est loin d’être si simple, mais il semble bien que ce soit imminent. Le principe serait d’utiliser une balance de Watt, qui permet de relier une masse à un effet électromagnétique parfaitement calibré par des constantes universelles.

Tout ceci est un petit résumé d’une info de la Société Chimique de France, que je reproduis in extenso ci-dessous, pour ceux qui veulent en savoir plus. Je précise également que le site du BIPM est accessible par un simple clic sur la barre des liens à droite. Vous y trouverez des photos de l’étalon du mètre et du kilogramme.

Verbatim :

A 131 ans, après avoir survécu à deux guerres mondiales, l’étalon du kilogramme est plus que jamais menacé. Les chercheurs, qui veulent sa peau depuis plusieurs décennies déjà, ont peut être enfin trouvé le moyen de s’en débarrasser. Le National Institute of Standarts and Technology (NIST) semble avoir démontré que ses travaux permettront de redéfinir le kilogramme lors de la réunion du Comité International des Poids et Mesures (CIPM) à Paris en octobre. Une proposition en ce sens a reçu un avis favorable et elle devrait être sérieusement étudiée lors de la Conférence Générale des Poids et Mesures (CGPM) qui se tiendra en octobre 2011.

Pourquoi vouloir remplacer ce cylindre de platine et d’iridium qui semble imperméable aux effets du temps ? Justement, tout est dans le « semble ». En réalité, chaque année, l’étalon du kilogramme prend du poids ! Un microgramme environ. Il existe un protocole de nettoyage mais rien n’assure que la séance d’amaigrissement fonctionne parfaitement. Etant l’étalon, sa masse officielle est toujours théoriquement d’un kilogramme. Conclusion, quand il grossit, ce sont en fait toutes les balances du monde qui se trouvent déréglées. Un microgramme, cela ne parait pas beaucoup. Mais pour assurer la précision et la reproductibilité des mesures scientifiques, cette variation est beaucoup trop importante. De plus, l’étalon matériel international, conservé à Paris, peut être détruit et il n’est pas facilement reproductible. Chaque pays possède une copie, un étalon national, qui sert à faire de nouvelles copies qui peuvent ensuite être utilisées pour calibrer balances et autres instruments de mesure. A chaque reproduction, la précision de l’étalon obtenu baisse. Il faut donc trouver une manière de dématérialiser cet étalon, c’est-à-dire d’en donner une définition qui permette de produire un kilogramme facilement et avec une excellente précision.

Les chercheurs n’en sont pas à leur première victime. Il y a tout juste 50 ans, lors de la 11ème CGPM [1] le Système International d’Unité (SI) était établit. Au passage, la définition du mètre était modifiée permettant de se débarrasser de l’étalon matérialisé en 1889 sous forme d’un barreau de platine et d’iridium d’un mètre de long.

Sept unités de base forment le système international : le mètre (longueur), la seconde (durée), le kilogramme (masse), l’ampère (courant électrique), le kelvin (température), la mole (quantité de matière) et la candela (intensité lumineuse) [2]. Elles sont indépendantes et permettent d’exprimer toutes les autres grandeurs mesurées. La vitesse par exemple s’exprime en mètres par seconde. Le SI a été adopté par tous les pays du monde à l’exception du Liberia, du Myanmar et… des États-Unis ! Intéressant de voir donc que malgré cela, le NIST concentre une partie de ses activités sur le SI.

Pour atteindre une précision maximale dans la définition des étalons pour chaque unité du système international, il faut utiliser des repères les plus stables possibles. Les progrès de la physique ont permis de découvrir ces repères stables dans la nature : les constantes fondamentales. Ces grandeurs sont considérées, dans les théories actuelles, comme invariables dans le temps et dans l’espace. La vitesse de la lumière en est un exemple. En 1960, la seconde étant définie de manière relativement précise, il a suffit de fixer la vitesse de la lumière pour définir le mètre. Et ainsi se débarrasser du barreau de platine iridié. Le mètre est maintenant défini comme la distance parcourue par la lumière pendant une durée de 1/299 792 458 seconde.Cet exemple montre que, bien que les unités soient indépendantes, la définition d’un étalon peut faire appel aux autres unités. A l’heure actuelle par exemple, les définitions de la mole, de l’ampère et de la candela font appel au kilogramme (figure 2). L’imprécision sur l’étalon du kilogramme implique donc aussi une imprécision sur les autres unités.

Pour pouvoir définir les sept unités de base, il faut fixer la valeur de sept constantes fondamentales. Leur choix dépend des protocoles expérimentaux qui permettent de produire les étalons. Connaissant la relation mathématique entre fréquence et longueur d’onde d’une onde monochromatique – impliquant la vitesse de la lumière – il est possible de produire un étalon du mètre avec un laser, si la seconde est bien définie et si la vitesse de la lumière est fixée. Dans ce cas, il y a une dépendance unique entre mètre et seconde et donc besoin d’une seule constante. Etant donné les relations de dépendance entre étalons, la dématérialisation du kilogramme implique de fixer la valeur de plusieurs constantes fondamentales en même temps.

Avant de fixer des constantes simultanément, il faut s’assurer que les différents protocoles expérimentaux mis en place pour définir les étalons assurent une définition assez précise de la valeur de chaque constante. Cela est important aussi pour éviter une variation trop forte entre l’étalon actuel et l’étalon futur. Et c’est justement là que le bât blesse. Les protocoles expérimentaux en place ne permettaient pas jusqu’à présent d’atteindre un assez bon niveau de précision. Mais les efforts de ces dernières années semblent enfin être payants.

Au NIST, les chercheurs travaillent sur une expérience qui pourrait permettre de dématérialiser le kilogramme : la balance de Watt (figure 3). Il s’agit d’un instrument qui utilise différentes lois physiques pour convertir l’effet d’une masse en un effet électromagnétique mesurable [3]. Les calculs décrivant cette conversion permettent de définir le kilogramme en fonction de la constante de Planck. Une autre méthode concurrente, notamment soutenue par les australiens [4], consiste à fabriquer une sphère contenant précisément une mole de silicium nécessitant alors de fixer la constante d’Avogadro. Il existe donc des enjeux diplomatiques importants dans les négociations qui vont conduire à l’adoption d’une nouvelle définition.

Il semble au final que les limitations sur la précision de la balance de Watt soient aujourd’hui levées ouvrant la voie à une nouvelle définition du kilogramme et la naissance d’un étalon dématérialisé. Pour assurer la réalisation de cette définition, une dernière difficulté demeure. Il reste à assurer le développement des balances de Watt afin de permettre à chaque pays de bénéficier d’une manière de produire un étalon fiable. Cependant, cela n’empêchera sans doute pas le kilogramme de disparaître très prochainement.

Contacts

– [1] Résolution 12 de la 11ème CPGM instituant le SI : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/85Klr

– [2] Brochure du CIPM sur le SI : http://www.bipm.org/utils/common/pdf/si_brochure_8_fr.pdf

– [3] Description du fonctionnement de la balance de Watt :

http://redirectix.bulletins-electroniques.com/LLSls

– [4] Nouvel étalon du kilogramme, BE Australie 53, M. Le Gleuher, 03/09/2007 –

www.bulletins-electroniques.com/actualites/50716.htm

Sources

‘Si’ on the New SI: NIST Backs Proposal for a Revamped System of Measurement Units, NIST News, B. Stein, 26/10/2010 – www.nist.gov/pml/wmd/20101026_si.cfm

ADIT, BE États-Unis (N°225, 5 novembre 2010)

Un matériau anti-insectes

Je retranscris ici une info de la Société Chimique de France, qui pourra intéresser les biologistes que vous êtes. Bon, je ne vais pas prétendre que les histoires d’adhérence sont à la portée du premier venu, mais c’est quand même rigolo. A noter que vous pouvez bien sûr vous référer à l’article original, à condition de lire le Japonais…

Verbatim :

Une équipe composée de chercheurs de l’Institut National des Sciences des Matériaux (NIMS – Japon) et de la Société Max Planck pour le Développement des Sciences (Allemagne) a développé un matériau sur lequel les insectes éprouvent des difficultés à marcher.

De nombreux insectes tels que les mouches ou les chrysomèles possèdent des poils sur leurs pattes qui leur permettent d’adhérer aux parois lisses comme le verre et de marcher sans glisser, y compris la tête à l’envers. Partant du principe que les forces d’adhérence mises en jeu dépendent de la rugosité de la surface, les chercheurs ont développé une technique qui permet de fabriquer des matériaux en contrôlant la hauteur des irrégularités de leur surface de quelques nanomètres à 300 nanomètres. Ils ont ensuite observé la marche de chrysomèles sur plusieurs matériaux différents.

Ils ont ainsi constaté que, sur un certain matériau dont les irrégularités de surface sont de l’ordre de 100 nm, 60% des insectes se sont nettoyé les pattes dès la première minute alors qu’aucun d’entre eux ne se les est frottées pendant ce même laps de temps lorsqu’ils ont marché sur des matériaux plus lisses. Une étude plus poussée a permis de démontrer que les insectes perdent 97% de leur adhérence sur ce matériau.

Cette étude permet d’expliquer comment les insectes qui ont l’habitude de se frotter régulièrement les pattes pour les nettoyer, détectent la présence de saleté. En effet, en marchant sur ce matériau spécial, les chrysomèles se sont mises à nettoyer leurs pattes alors qu’elles étaient propres. Le réflexe de nettoyage ne serait donc pas guidé par la présence de saleté mais par la perte d’adhérence. D’autre part, cette étude ouvre la voie vers la fabrication de nouveaux matériaux qui garderaient éloignés les insectes des endroits où ils ne sont pas les bienvenus.

Sources

Communiqué du NIMS – 09/11/2010 (japonais)

www.nims.go.jp/news/press/2010/11/p201011090.html

ADIT, BE Japon (N°556, 19 novembre 2011)

IG-Nobel

Comme tous les ans, la fondation Improbable Research a procédé à une remise de prix, les IG-Nobel (prononcé en Anglais, ça donne le mot « ignoble »). Ces prix récompensent, la plupart du temps, des travaux tout à fait sérieux, mais qui ont l’air farfelus.

Dans le cru 2010, on notera d’intéressants travaux mettant en évidence que les microbes s’accrochent aux barbes des chercheurs en microbiologie, qui sont donc plus souvent contaminés que les autres. L’IG-Nobel de santé publique a récompensé les chercheurs à l’origine de ces travaux.

On le savait tous bien, mais il a été scientifiquement démontré que jurer diminue la douleur. Ca valait bien un prix IG-Nobel de la paix !

Le prix de chimie est d’actualité, puisqu’il récompense des chercheurs, dont l’un appartient à la companie BP (vous savez, celle du puits qui fuyait dans le Golfe du Mexique), pour (je cite) : « avoir infirmé la vieille croyance que l’eau et le pétrole ne sont pas miscibles ». Ca sent un peu l’ironie, tout de même.

Enfin, le prix du management me plait beaucoup. Il récompense des travaux montrant qu’un organisme quelconque serait plus efficace si les promotions des employés étaient décidées au hasard. Ce n’est pas que je pense que le management est largement du foutage de gueule, mais bon, un peu quand même.

Je vous laisse lire vous-mêmes l’intitulé du prix de biologie, car je ne peux en reproduire les termes sur ce blog, que des mineurs sont susceptibles de lire. C’est disponible (en Anglais) ici. Vous pouvez en profiter pour prendre connaissance des récompenses des années précédentes, c’est assez drôle.

Mort de Georges Charpak

Le physicien français d’origine polonaise Georges Charpak est mort il y a 3 jours. Spécialiste de physique des particules, il est l’inventeur d’un grand nombre de détecteurs divers et variés, les premiers destinés à suivre les trajectoires des particules dans les accélérateurs, et les derniers voué à l’imagerie médicale. Il a été récompensé par le Prix Nobel de physique en 1992.

La vie de Georges Charpak est presque un roman : né de parents émigrés qui ne parlaient pas un mot de français, il a été élève en classes préparatoires, admis à l’école des Mines de Paris, avant de s’engager dans la résistance, d’être déporté à Dachau (où, disait-il non sans humour, il avait surtout appris la physique de la pelle), de faire une thèse et d’être un inventeur génial au CERN. Il a été naturalisé Français en 1946. O tempora, ô mores ; de nos jours, on l’aurait probablement renvoyé chez lui par charter.

Georges Charpak est également connu pour son activité en faveur de la promotion de la science auprès du grand public. A la faveur de son Prix Nobel, il a lancé l’association La Main à la Pâte, destinée à introduire les sciences à l’école primaire. Il a en outre essayé de discuter de façon raisonnable et dépassionnée du nucléaire civil, dont il est un partisan. Malheureusement, ses prises de positions lui ont valu des critiques acerbes, et, comme chaque fois qu’on parle du nucléaire, le débat s’est avéré impossible (le nucléaire fait partie de ces sujets qui permettent de pourrir l’ambiance de n’importe quelle soirée).

Sur cette page, on peut télécharger le communiqué de presse de l’ESPCI (format pdf), avec des photos de G. Charpak.

La médaille d’or du CNRS ou Comment diable est-ce possible ?

Le plus haute distinction scientifique française, la médaille d’or du CNRS qui couronne un chercheur de cette institution chaque année, a été attribuée hier à un chimiste : Gérard Férey.

Le Pr Férey est célèbre dans le monde entier pour ses travaux sur les matériaux hybrides (c’est-à-dire comportant des parties organiques et inorganiques imbriquées) poreux, les MIL (acronyme pour Matériaux de l’Institut Lavoisier). Ces matériaux ont la particularité d’être plein de trous (d’où le terme poreux), genre pierre ponce, sauf que le diamètre des pores est de l’ordre de la taille d’une molécule (quelques nanomètres) et que le matériaux n’est pas rigide.

Que mettre dans les pores ? ce qu’on veut ! L’application la plus aboutie est le stockage du CO2. Ainsi 1 m3 de MIL101 peut-il stocker 400 m3 de CO2  à 25°C sans presque augmenter de volume ! A méditer en même temps que le premier cours de thermodynamique … Mieux, le CO2 peut ensuite être relaché à volonté, et on peut donc envisager ces matériaux comme des réservoirs à CO2.
Un autre matériau du même genre peut au contraire subir une augmentation de son volume de 300% (autrement dit son volume est multiplié par 3), uniquement en changeant de solvant. Qui plus est, le processus est réversible. Ces matériaux ont été qualifiés en leur temps de « solides qui respirent ».

Une application plus futuriste est le transport de médicaments au sein du corps. Il semble que certains groupes pharmaceutiques soient déjà assez avancés dans ces recherches.

Gérard Férey est aujourd’hui certainement le chimiste français le plus connu, et sûrement le meilleur candidat français à un prix Nobel de chimie. Rappelons qu’il a commencé sa carrière comme instituteur de village, et que la majeure partie de ses découvertes les plus intéressantes ont été faites dans les 10 dernières années de sa carrière de chercheur. Comme le dit non sans ironie Alain Fuchs, président du CNRS : « Si on se débarrassait de nos cadres au même âge qu’un certain nombre d’entreprises, on se priverait de découvertes extraordinaires… » Un bien beau parcours …

Un article grand public sur le sujet est disponible sur le blog de Sylvestre Huet. Le dossier complet de la médaille d’or du CNRS est téléchargeable sur cette page, avec des schémas et tout.

Survol de l’astéroïde Lutetia

La sonde européenne Rosetta a effectué samedi le survol d’un astéroïde du nom de Lutetia.

Un blog consacré à cette sonde est disponible sur le site de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Il y a des photos de la rencontre. Comme toujours, avec ce fond tout noir, on dirait des photos extraites d’un mauvais film de science fiction. Sur le site, on trouvera un film qui est surement passionnant (je n’ai pas réussi à le télécharger, on espère que les communications avec les sondes spatiales sont plus au point). Il y a d’autres images sur le site du CNES, avec un petit film de l’approche (que je n’ai pas non plus réussi à télécharger jusqu’au bout).

On attend avec impatience la prochaine rencontre de Rosetta en mai 2014. Si j’ai bien compris, elle approchera d’une comète et larguera un module chargé de s’y poser.

Le premier organisme vivant artificiel est né. Il ne reste plus qu’à se poser les bonnes questions.

Une équipe de chercheurs Américains a publié dans la prestigieuse revue Science un travail consistant à créer une bactérie artificielle, ou plus exactement une bactérie dont le génome est artificiel.
En substance, ils ont introduit dans une bactérie existante un brin d’ADN artificiel, c’est-à-dire dont la séquence est totalement non naturelle. Le travail a consisté à concevoir par ordinateur une séquence viable, à  fabriquer le double brin d’ADN correspondant, à l’introduire dans une bactérie, et à vérifier que la bactérie se comportait comme un être vivant. Après de nombreux essais et modifications, ils sont finalement parvenus à une bactérie réellement vivante, c’est-à-dire capable de se diviser et de fonctionner comme une bactérie naturelle.

Un compte rendu « grand public » du travail est disponible (en Anglais) sur le site de Science ici.

Les chercheurs insistent sur les aspects positifs du travail, et envisagent déjà de concevoir des bactéries capables de transformer le dioxyde de carbone en carburant, de permettre la fabrication de vaccins originaux, etc. C’est sans nul doute un magnifique travail, et ses applications potentielles sont presque infinies.

Il y a quand même quelques raisons d’être légitimement inquiet. D’abord, l’identité des chercheurs : l’équipe est dirigée par Craig Venter, un biologiste sans nul doute très doué (il a été l’un des premiers à séquencer entièrement un microorganisme), mais ses motivations sont un peu ambiguës. Craig Venter a refusé de participer à l’entreprise internationale de séquençage du génome humain, et a préféré mener son propre séquençage privé, sans se cacher de vouloir breveter les gênes découverts. Le brevetage du vivant me gêne passablement, mais lorsqu’il s’agit de mes gênes, je suis franchement agacé. Avec la modestie qui le caractérise, Venter n’a pas séquencé le gêne d’un quidam, mais le sien propre (autant prendre celui d’un génie, hein !) ; d’ailleurs ses travaux sont fait au Venter Institute, dans le Maryland (autant donner tout de suite le nom d’un génie vivant à un institut de recherche). Enfin, il n’a jamais caché son ambition de devenir immensément riche à l’aide de ses découvertes.
D’autre part, les financements du Venter Institute sont tout sauf désintéressés : entreprises pharmaceutiques, compagnies pétrolières, etc (source : the Independent).

Enfin, et je crois que c’est le plus inquiétant, on ne parle pas du tout des dangers inhérents à la création d’un être vivant totalement artificiel. Je suis tout sauf opposé à la recherche scientifique, et je n’ai aucun a priori sur la recherche génétique. Cependant, je suis farouchement convaincu que cela nécessite un vaste débat portant à la fois sur l’éthique de telles recherches, et sur les risques qu’elles comportent. Le propre d’une bactérie, c’est de pouvoir muter. Que signifie qu’on envisage de retraiter des eaux polluées avec des bactéries artificielles ? Qu’on laisse proliférer en liberté lesdites bactéries dans les eaux à retraiter ? Qu’arrive-t-il si elles se recombinent avec des germes pathogènes ?  Que signifie qu’on fabrique des bactéries pour éponger une marée noire ? Qu’on les largue par milliards dans l’océan ? Et après, que deviennent-elles ? Il est possible qu’il n’y ait pas de danger, ou pas de danger plus important qu’avec n’importe quel microorganisme naturel ; mais ce serait quand même mieux si on prenait la peine d’y réfléchir.
Encore une fois, je ne dis pas que cela doive faire arrêter toutes les recherches sur le sujet. Mais je déplore qu’une fois de plus, les avancées génétiques soient réalisées pour des intérêts privés et sans aucun débat sur leurs implications.