Monthly Archives: décembre 2012

Résultats de la BCPST du lycée Fénelon (Paris) aux concours 2012

La BCPST2 du lycée Fénelon comptait 38 élèves pour l’année scolaire 2011-2012, dont 9 élèves en 5/2 et une élève en 7/2 qui redoublait une seconde fois pour raison médicale. Les résultats de la classe ont été très satisfaisants. Ils sont présentés ci-dessous non pas en ne considérant que les admissions (comme le font les journaux qui publient régulièrement des classements des prépas), mais en calculant, pour chaque école, le nombre d’élèves de la classe qui auraient pu l’intégrer. Cela évite qu’un élève qui est admis à l’AgroParisTech mais qui choisit de faire 5/2 pour avoir une école vétérinaire ne soit considéré comme un échec, ce qui est quand même un comble ! En d’autres termes, les résultats qui suivent prennent en compte ce que les élèves auraient pu intégrer de mieux, compte tenu de leur classement final, et non ce qu’ils ont effectivement choisi de faire. Il faut bien avouer que les choix des élèves sont parfois dictés par des considérations quelque peu mystérieuses. Ainsi, il arrive qu’un garçon choisisse une école moins cotée que celle qu’il pouvait intégrer pour être plus près de sa belle, mais que celle-ci soit appelée à la dernière minute dans une école plus proche de ses aspirations mais à l’autre bout de la France…

Précisons, pour ceux qui ont des connaissances basiques en statistiques, que je suis conscient que la présentation des résultats en pourcentage est sujette à caution pour un effectif réduit à une petite quarantaine. Je prends soin de donner avant tout les nombres d’élèves, les pourcentages n’étant là que pour la comparaison avec les résultats donnés par les divers journaux que les futurs préparationnaires ne manqueront pas de lire avant de choisir leur prépa.

Résultat global.

Sur les 38 élèves, 1 ne se présente pas aux concours et poursuit ses études à l’université. Les résultats qui suivent ne concerneront donc que les 37 élèves qui ont effectivement participé aux épreuves écrites. Parmi eux, 5 n’ont eu aucune admissibilité et redoublent en 5/2 ; les 32 autres (environ 85%) ont eu une admissibilité soit sur le concours Agro-Véto, soit sur le concours G2E. Précisons que tous les 5/2 sont admis dans une école de bon niveau.

Parmi les 32 élèves admissibles, tous ont la possibilité d’intégrer au moins une école (100% des admissibles sont admis). Néanmoins, seuls 27 élèves intègrent effectivement ; les 5 autres redoublent en 5/2 pour tenter d’avoir mieux l’année prochaine (dont 4 pour avoir une école vétérinaire), malgré une admission possible à l’AgroParisTech pour l’une d’entre elle.

D’une façon globale :
– 16 élèves (environ 50% des admissibles et 43% de l’effectif total) ont la possibilité d’intégrer une école d’excellence (Véto, AgroParisTech, Ecole de Géologie de Nancy, ESPCI),
– 8 élèves (environ 25% des admissibles et 22% de l’effectif total) ont la possibilité d’intégrer une école majeure (Agro Montpellier, Agro Rennes, Agro Toulouse, ENGEES, Chimie Paris),
– 8 élèves (environ 25% des admissibles et 22% de l’effectif total) peuvent intégrer une autre école moins prestigieuse,
– 5 élèves (les non-admissibles soit environ 15% de l’effectif total) n’ont évidemment pas de proposition d’intégration.

Résultats au concours Agro-Véto-PCbio, filière Agro.

Sur les 37 élèves s’étant présentés au concours, 7 ne sont pas admissibles sur le concours Agro (les 5 qui n’ont aucune admissibilité et 2 qui sont admis sur le concours G2E). Parmi les 30 admissibles (80%), tous sont admis dans au moins 1 école du concours.
– 8 ont un rang leur permettant d’intégrer l’AgroParisTech (21% des inscrits), mais seuls 5 élèves intègrent effectivement cette école (2 démissionnent pour l’école vétérinaire de Maison-Alfort et 1 redouble pour tenter Véto en 5/2).
– 11 ont un rang leur permettant d’intégrer une école d’agronomie majeure (Montpellier, Rennes, Toulouse), dont 10 intègrent et 1 préfère intégrer l’école d’agronomie de Dijon en tant qu’élève fonctionnaire.
– Les 11 autres ont la possibilité d’intégrer une école moins prestigieuse du groupe (Nancy, Dijon, Clermont, Bordeaux, Angers), dont 4 intègrent (3 démissionnent pour intégrer l’ENSG, 4 redoublent pour tenter d’obtenir mieux).

Résultats au concours Agro-Véto-PCbio, filière Véto.

Sur les 12 élèves qui tentent les écoles vétérinaires, 10 sont admissibles (80%). A l’issue des oraux, 5 élèves (40%) ont la possibilité d’intégrer une école vétérinaire (dont 4 à Maison-Alfort). En définitive, seuls 2 acceptent et les 3 autres démissionnent pour l’AgroParisTech.

Résultats au concours Agro-Véto-PCbio, filière PCbio.

Sur les 14 élèves qui tentent le concours, 13 sont admissibles (90%) et 10 ont la possibilité d’intégrer une école de chimie (75% des admissibles, 70% des inscrits), dont 2 à l’ESPCI et et l’ENSCP.
En définitive, aucun élève ne choisit d’intégrer une école de chimie.

Résultats au concours G2E.

Sur 12 élèves qui se présentent, tous sont admissibles (100%) et tous ont la possibilité d’intégrer une école du groupe:
– 11 élèves peuvent intégrer l’ENSG (Géol Nancy), dont 4 acceptent,
– 12 élèves (dont les 11 précédents) peuvent intégrer l’ENGEES dont 1 accepte.
La plupart des élèves admis sur le concours G2E démissionnent pour une école du concours Agro-Véto.

Résultats au concours ENS.

Sur la poignée d’élèves inscrits, 1 est admissible et admise aux ENS de Lyon et de Cachan, mais choisit l’AgroParisTech.

« Les Poissons » d’Alfred Hitchcock

Je suppose que tout le monde a déjà vu, ou à tout le moins entendu parler du film Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock. Assez médiocre, il faut bien le reconnaitre, avec une actrice certes blonde (Hitchcock avait un faible pour les blondes) mais quand même ni aussi jolie ni aussi douée que Grace Kelly, il se déroule dans une station balnéaire américaine dont les habitants se font soudainement attaquer par des goélands ou des oiseaux du même genre. Ce qu’on sait moins, c’est que le film est basé sur un fait divers réel, et on a même trouvé l’explication : c’est un polluant qui, ingéré par les oiseaux, les rendaient particulièrement agressifs.

Attention les amis, car ici même en France, nous voilà menacés mais cette fois-ci par des poissons ! Les silures, introduits dans le Tarn dans les années 80, qui sont habituellement des poissons nocturnes et piscivores, ont semble-t-il changé totalement de comportement. Ils sont désormais diurnes et chassent le pigeons, ainsi qu’il est raconté (avec une vidéo) par Pierre Barthélémy dans Le Monde. Si vous passez vos vacances dans le Sud-Ouest, faites gaffe à vos orteils (ou autre chose que la morale m’interdit d’évoquer ici) si vous faites trempette.

Pour les infos sur le fait divers réel, c’est encore à Pierre Barthélémy que je vous renvoie.

 

Les joies d’internet

J’ose espérer qu’aucun de vous n’est concerné, mes chers petits, mais cet article de Libération met deux ou trois petites choses au point.

Pour ceux qui ne l’ont pas compris, je rappelle ce qui devrait être une évidence pour tout le monde.
1) Tout ce que vous diffusez sur le web, même sur un compte social verrouillé, finira par être librement visible par tous. Cela prendra à peine quelques heures s’il s’agit d’image un peu olé-olé.
2) Tout ce que vous consultez sur le web est traçable et enregistré.

J’en profite pour une petite séance de médisance sur ma cible favorite : tout ce que vous déposez sur un site social dont le nom commence par face et finit comme une chèvre est, par contrat tacitement approuvé par vous lors de l’ouverture de votre compte, propriété intégrale et définitive du site. Vos photos, vos poèmes, vos machin et vos trucs, sur face de chèvre ne sont plus à vous. Et dire qu’il y a des collègues qui y mettent leur cours !

Suggestion pour changer d’air

Marre de la prépa ? marre de vos voisins ? marre de votre petit-e ami-e ? Pas de panique, la solution existe. Plus que trois mois à tenir, et vous pourrez être sélectionné pour changer radicalement de vie. Et quand je dis radicalement, c’est carrément définitif. Plus d’info ici.

Conseil de classe du premier trimestre et premiers résultats

Le conseil de classe aura lieu dans une dizaine de jours. Il est pour nous l’occasion de faire un premier point sur la classe et sur chacun d’entre vous. Cela amène deux remarques.

D’une part, ce premier conseil de classe n’est en aucune façon le lieu de faire la sélection des élèves qui vont passer en deuxième année. Même si un bon premier trimestre est usuellement une bonne indication que l’année est bien partie, en revanche un mauvais premier trimestre ne reflète pas nécessairement le niveau qui sera atteint à la fin de l’année. Cela dit, un mauvais premier trimestre doit clairement être un indicateur que le travail n’est pas suffisant ou n’est pas efficace, et dans les deux cas, il faut remédier à la situation.
Suite à la remarque de l’une d’entre vous, je précise que, au conseil de classe du troisième trimestre, lorsque nous discutons des passages en seconde année, nous prenons en compte tout à la fois évidemment les notes mais aussi le travail fourni, la capacité à ne pas se décourager et surtout l’évolution au cours de l’année. Nous avons davantage confiance en un élève qui progresse régulièrement de 6 à 9 au cours de l’année qu’en un élève qui régresse de 12 à 9 au cours de l’année.
En clair : si de mauvais résultats au premier trimestre doivent être pris comme un avertissement que quelque chose ne va pas, ils ne préjugent en rien de ce qui se passera à la fin de l’année. S’il est nécessaire de remettre en question sa façon de travailler, il n’y a donc pas lieu de se décourager en cas de mauvais résultats.

D’autre part, ce conseil de classe est l’occasion pour nous d’essayer de donner à chacun des conseils constructifs pour progresser, même si, je ne vous le cache pas, nous n’avons pas de méthode magique pour réussir. Nous ne sommes pas voyants extralucides, et nous ne pouvons pas connaitre les détails de votre vie. En conséquence, si vous pensez qu’il y a des informations sur votre situation que nous devons connaitre le jour du conseil de classe, il faut qu’elles nous parviennent. Le plus simple est d’utiliser pour cela vos délégués (qui normalement sont tenus à la plus grande discrétion sur ce que vous leur confiez), mais vous pouvez également parler à l’un d’entre nous ou à Monsieur Grange qui sera présent au conseil et qui est très à l’écoute des élèves. Il ne faut pas hésiter. Ce que vous ne porterez pas à notre connaissance ne sera pas pris en compte, pour la simple raison que nous ne le saurons pas !

Enfin, le conseil de classe est également le lieu pour parler de tous les problèmes que vous souhaiter porter à notre connaissance par l’intermédiaire de vos délégués, sur le fonctionnement général de la classe (déroulement des cours, des colles, etc). A nouveau, si vous avez des remarques à faire, il faut les faire.

Correction du devoir en temps limité de chimie n°3

Le devoir de chimie n°3 est satisfaisant, même si j’ai été un peu généreux dans la notation, histoire de remonter un peu la moyenne (11/20) et le moral après le devoir de physique. La moyenne est atteinte par 26 copies, et 5 copies ont entre 9 et 10.

Le premier problème est tout juste satisfaisant, mais étant donné le caractère récent du cours sur la délocalisation électronique, j’ai été assez coulant.

Je ne commenterai pas ceux qui ignore la formule de l’ozone, qui a été notre exemple pour introduire en cours la notion de délocalisation. Remarquons également qu’il n’est pas très convaincant de dire que l’ozone ne peut pas être cyclique sans quoi les liaisons seraient toutes simples sans faire le schéma correspondant. Je ne peux que m’étonner également de votre peu de pragmatisme : mon premier réflexe pour écrire la formule des ions O2+ et O2- est de partir de la formule de Lewis de O2 et d’enlever ou d’ajouter un électron. La discussion sur les longueurs de liaison nécessitaient, plutôt que des explications filandreuses, l’écriture de forme mésomère limite permettant de discuter de la multiplicité de la liaison. Notons qu’une explication plus juste de ces longueurs de liaison nécessite la description de la molécule en terme d’orbitales moléculaires, ce qui n’est pas au programme de BCPST.

Je déplore que beaucoup d’entre vous n’aient pas pris la peine de commencer par compter le nombre d’électrons dans les oxydes de soufre. Comment est-il possible d’écrire une formule de Lewis sans savoir combien d’électrons il faut placer ? Cela est d’autant plus navrant lorsque, sur la même page, sont représenté le trioxyde de soufre SO3 et l’ion sulfite SO3^2- avec le même nombre de doublets !

Le second problème est plus satisfaisant. Notons cependant que la définition d’un narcotique est approximative (vite, un dictionnaire !) et que lorsqu’on demande une masse, il n’est pas recommandé de répondre un volume.

Corrigé du devoir en temps limité de physique n°3

Le devoir de physique n’est pas bon, avec une moyenne de seulement 8,5/20. Je ne vais faire semblant d’être surpris, car c’est habituel que le devoir sur les circuits en régime continu soit une catastrophe. Cela dit, c’est navrant car c’est une partie du cours où les difficultés de calcul sont les moins grandes. La moyenne est atteinte par 11 copies, et 6 ont entre 9 et 10.

Le premier problème est moyennement réussi. Si je me réjouis que presque toute la classe soit capable d’établir la loi de pression en fonction de l’altitude, je suis en revanche plus circonspect sur les applications numériques. J’aimerais bien savoir si tous ceux qui ont simplement multiplié la masse molaire en g/mol et l’altitude en km se sont vraiment rendu compte que cela marchait parce que les puissances de 10 apparaissant dans les conversions d’unité se simplifiaient. Dans certaines copies, il est apparu clairement que si l’altitude était convertie en mètres, en revanche la masse molaire est restée en g/mol. Je rappelle encore une fois que l’unité légale de distance est le mètre et l’unité légale de masse est le kilogramme.

En physique, on attend une réponse sous forme d’une expression littérale avant toute chose, même s’il est parfois commode de la transcrire sous une forme numérique. C’était le cas aux questions 1, 3 et 4. Cependant, lorsqu’une formule du type P = 10^5 exp(-z/8500) est donnée, il est indipensable de préciser les unités à employer pour l’appliquer ! L’altitude z dans cette formule est-elle en mètres ou en kilomètres ? De même, une expression de la température sous la forme T = – 6,8z + 283 n’a de sens que si on précise si z est en mètres ou en kilomètres. Sans quoi, c’est impossible de savoir comment faire un calcul.
Dans le même ordre d’idées, donner a et b sans aucune unité dans l’expression T = az + b ne peut évidemment apporter aucun point : T en K ou en °C ? z en m ou en km ?

Je suis un peu déçu que l’explication physique de la main gonflée du parachutiste américain. Dire que c’est parce que la pression augmente vite au cours de sa chute n’est guère convaincant. Je n’ai eu la remarque de bon sens comme quoi le corps humain est adapté à une pression d’environ 10^5 Pa que dans une poignée de copies. En conséquence, on peut supposer que la pression interne du corps est d’environ 10^5 Pa, de sorte que les forces pressantes sur la peau se compensent. A haute altitude, l’intérieur du corps est en surpression par rapport à l’extérieur, d’où le gonflement.

La prise en compte du gradient de température a usuellement été correctement traité tant qu’il s’est agi d’intégrer l’équation différentielle. En revanche, trop de fois tout le calcul a été gaché par la touche finale. Si ln(P/P0) = K ln(Az), alors on N’a PAS : P/P0 = Az exp(K), ce qui serait l’application du théorème parfaitement faux : exp(ab) = exp(a) exp(b).

Dernière remarque, le modèle avec T variable n’est valable qu’entre 0 et 11 km d’altitude. En revanche, de 11 à 20 km, c’est le modèle isotherme qui est valable, puisque la température est constante comme le montre le schéma.

Le second problème est nettement plus catastrophique,  bien que je me réjouisse que l’équivalence Thévenin – Norton soit connue et maitrisée par une majorité de la classe.

Il faut absolument que vous vous mettiez dans le crâne que les données d’un problème d’électrocinétique sont les valeurs caractéristiques des dipôles indiqués sur le schéma du montage. Lorsqu’en plus il est explicitement demandé d’exprimer U en fonction de e, R et r, donner une réponse en fonction d’une intensité i ne peut pas convenir. Il est très très rare qu’une intensité soit une donnée connue dans un circuit.

D’autre part, la réponse à la question 4 a rarement été satisfaisante. Certes, beaucoup d’entre vous ont correctement identifié la valeur de R0 en lisant l’abscisse du maximum de la courbe, mais encore fallait-il montrer que cette courbe donnait effectivement cette valeur. Il suffisait évidemment de montrer que f(x) correspondait numériquement à la fonction P(R).

Je ne peux également que soupirer lorsque je constate que beaucoup de copies ont discuté de la grandeur physique qui se cachait derrière la capacité de la batterie, en analysant l’unité A/h (ampère par heure). Si vous lisiez attentivement l’énoncé, vous auriez remarqué que cette capacité est en Ah (ampère heure), ce qui n’est pas la même chose. Une intensité multipliée par un temps, c’est une charge électrique.

Sensations fortes dans un cimetière

Des centaines d’inconscients tentent tous les ans l’ascension de l’Everest, le but étant d’arriver à l’aube en haut pour faire une magnifique photo. J’adore la montagne, et c’est un vrai plaisir d’arriver en haut d’un sommet et d’avoir une vue magnifique. A pieds. Je réussis à imaginer qu’on puisse préférer arriver en haut après quelques heures d’escalade, quoique franchement je ne vois pas quel plaisir je pourrais bien en éprouver. Mais l’Everest, là ça me dépasse.

Au-delà de 7900 mètres, il est impossible de survivre sans une préparation intense : chaque aspiration fournissant seulement 30% de la quantité normale d’oxygène, tout le métabolisme est affecté, sans compter le cerveau. Les amateurs commencent donc par passer une semaine dans le « camp de base » vers 8000 mètres d’altitude pour habituer leur organisme. Le camp de base, c’est une sorte de camping au milieu d’une sinistre plaine de neige, avec des centaines de gens dans des combinaisons de ski. Ensuite, on peut atteindre le sommet par une ascension de 4 jours, dont la dernière étape (du camp 4 au sommet) doit être entamée vers minuit histoire d’arriver en haut à l’aube et d’avoir le temps de redescendre quand il fait encore jour. Ah ! le bonheur de la haute montagne, la solitude des sommets ! harnaché dans leur matos, avec des bouteilles d’oxygène sur le dos, les aventuriers s’accrochent à la corde qui suit le parcours, et montent à la queue leu-leu. Jusqu’à 40 personnes à la file.

On me retorquera que, au moins, c’est un endroit de nature intacte, que l’homme n’a fait qu’effleurer, la beauté de la montagne récompensent les grimpeurs. Bon, d’abord, comme vous l’aurez compris, lors de la montée, il fait nuit, et en fait de paysage, on voit ce que sa lampe frontale éclaire. A la redescente, la fatigue est telle que je doute que quiconque admire les lieux. Et c’est tant mieux, car l’Everest, c’est surtout une grande poubelle : chaque pas étant une épreuve, on ne va quand même pas s’encombrer d’un sac poubelle. Le trajet est jonché d’ordures diverses, boites de conserve vides, sacs en plastiques, centaines de bouteilles d’oxygène vide, etc. Ces fainéants de Népalais n’ont pas envoyé les éboueurs ! et les opérateurs privés qui contrôlent le tourisme de l’ascension de l’Everest n’ont pas jugé bon d’organiser le nettoyage. D’ailleurs pourquoi le feraient-ils ? Leurs clients ne sont manifestement pas là pour le paysage. Ils sont là pour se « dépasser » (formule politiquement acceptable pour dire : « c’est moi qui fait pipi le plus loin »).

Se dépasser. Certes. Mais qu’entend-on par là ? Monter et redescendre en ayant la satisfaction de se dire qu’on est plus fort que ceux qui l’ont tenté aussi et qui y sont resté ? Car en plus d’être une poubelle, l’Everest est un cimetière à ciel ouvert. Le parcours est jonché de cadavres, bien pratique ma foi, puisque chacun d’eux fait office de panneau qui indique la distance à parcourir jusqu’au sommet. Un des plus célèbres s’appelle « green boots », mort en 1996, mais il n’est pas très fun, il est encore tout habillé et en plus face contre terre, on ne voit pas à quoi il ressemble ! Il y en a d’autres qui valent plus le détour, dans des états de momification plus ou moins avancés.

N’en déplaise à ceux qui ne croient pas au réchauffement climatique, toutes ces ordures et tous ces cadavres en décomposition commencent à poser problème, car ils sont de moins en moins congelés et commencent à poser un problème de pollution des cours d’eau qui prennent leur source dans le massif, cours d’eau qui alimentent des millions d’habitants.

Bref, si le coeur vous en dit, vous pouvez en lire plus, voir les portraits et cliquer sur des liens sur ce blog (en Anglais), que j’ai trouvé grâce à la page big browser du Monde. En prime, en cliquant sur le lien en bas du blog suscité, vous pourrez visionner un reportage (en Anglais) à faire froid dans le dos. En 2006, une équipe a effectué l’ascension, constituée d’un double amputé et suivi par une équipe de tournage ; lors de sa montée, elle a rencontré un homme mourant de froid, l’a filmé, lui a dit de ne pas rester immobile, et est repartie sans même informer le camp de base par radio. Des dizaines de personnes sont passé devant lui pendant 24h durant lesquelles il était encore vivant, et nul n’a pu le rater, puisqu’il était encore accroché à la corde et que chacun d’entre eux a dû décrocher son mousqueton de la corde pour passer. On peut m’expliquer tout ce qu’on veut sur le thème : « oui, mais chacun sait les risques qu’il prend, il faisait nuit, on doit d’abord penser à se sauver soi-même, et d’ailleurs il avait déjà l’air mourant (24 heures après, cet homme vivait toujours, je le rappelle), il n’a pas été prudent, etc ». Cet homme était à moins d’une heure de marche du camp IV, où il y a des tentes et de l’équipement.

Pas un seul des grimpeurs ce jour là n’a renoncé à son jour de gloire. Je ne jugerai pas quelqu’un qui a laissé derrière lui un blessé dans un bateau qui coule, dans un bâtiment en flammes ou dans une ville bombardée. Mais quand on préfère atteindre le sommet de l’Everest plutôt que tenter de sauver un homme, même assez stupide pour tenter cette grotesque aventure, on a quitté l’humanité.

L’essai du mois de décembre

Retour à l’histoire ce mois-ci, avec un court essai de Georges Duby, Le dimanche de Bouvines, disponible en format poche dans la collection folio histoire.
A Bouvine, le 27 juillet 1214, Le roi de France Philippe Auguste remporte une victoire éclatante sur l’empereur du Saint Empire Romain Germanique, Othon, et ses alliés. Cet événement est l’une des dates marquantes de l’histoire de France, puisqu’elle a affermi de façon considérable le prestige et le pouvoir des Capétiens, au point de faire d’eux et jusqu’à la mort de Philippe le Bel cent ans plus tard, les souverains les plus puissants d’Europe.
Georges Duby, ancien professeur au Collège de France, est un des grands historiens de la période médiévale. Dans cet ouvrage, l’événement (la bataille de Bouvines) et le contexte historique sont intimement liés l’un à l’autre. En cela, Duby, comme d’autres historiens de sa génération, se démarque de la description de l’histoire par le petit bout de la lorgnette (l’histoire vue comme une suite de faits dissociés les uns des autres) autant que de la vision de l’histoire totalement globale dans laquelle les événements ponctuels sont considérés comme n’ayant pas d’importance fondamentale (une vision un peu marxiste de l’histoire en somme).

Pour commencer, Duby décrit avec minutie les sources sûres ou moins sûres qui nous renseignent sur l’événement: qui était là? avec quel armement? et reproduit le témoignage de Guillaume Le Breton, qui était présent à la bataille. On comprend tout le problème de l’historien de retrouver la réalité d’un événement dans le fatras des sources souvent lacunaires, et dont la plupart ne relatent pas les faits de façon objective (si même cela était possible) mais dans un but clairement hagiographique (du côté Français, toutes les sources concordent : cet événement est le signe de la suprématie du Roi de France).
Dans une seconde partie, il fait un commentaire d’historien moderne, c’est-à-dire de façon dépassionnée par rapport à l’événement. Pour cela, il commence par replacer la bataille dans le contexte de l’époque : qu’est-ce que faire la guerre au Moyen-Age ? selon quelles règles ? que se passe-t-il lors d’une bataille ? et que signifie la gagner ? quelles en sont les conséquences politiques et surtout financières ? En fait, la bataille est un fait rare, surtout lorsque deux souverains y participent. La plupart du temps, la guerre se fait sans combat, à coup d’intimidation et de palabres. Et lorsque la bataille est inévitable, c’est surtout la piétaille qui s’entretue, les nobles combattent comme au tournoi, avec pour but principal de faire des prisonniers parmi les nobles ennemis. En effet, gagner une bataille est avant tout une affaire de gros sous : les prisonniers sont échangés contre rançon. A Bouvines, des centaines de chevaliers se sont affrontés, mais les morts parmi eux se comptent sur les doigts d’une main ! En revanche, les nombreux prisonniers faits par l’armée du Roi de France a rapporté à celui-ci et à ses vassaux des sommes considérables, faisant de Philippe Auguste à la fin de son règne, puis de ses successeurs des rois riches et donc puissants.
Enfin, le dernière partie est consacrée à ce que la suite de l’histoire a fait de cette bataille. L’école de la République (la IIIè pour commencer) a fait de cet événement un fait marquant de l’histoire de France ; c’est une victoire éclatante contre l’ennemi de toujours, les Allemands. En 1914, il a été fêté en grande pompe le 700è anniversaire de Bouvines, cela allait bien dans le contexte.

Ce livre est passionnant à plus d’un titre, car il met montre bien à quel point notre vision du Moyen-Age (je veux dire celle qu’ont les non historiens tels que moi) est totalement biaisée et déformée par la façon dont l’histoire est racontée aux enfants.