Une fois n’est pas coutume, je propose aux esprits fatigués en ce début d’hiver, un livre facile dont tout le monde parle (ou a parlé dans un passé récent). Il serait d’ailleurs plus exact de dire que tout le monde a parlé du film qui en a été tiré, et que je n’ai d’ailleurs pas vu. Comme j’apprécie de joindre l’utile à l’agréable, je vous conseille évidemment de le lire en version originale qui, heureusement pour vous, n’est pas en Ouzbeck mais en Anglais.
Bref, je vous recommande de lire The Hunger Games Trilogy, dont les trois volets sont The Hunger Games, Catching Fire et Mockingjay, le tout écrit par Suzanne Collins dans un Anglais à la portée de n’importe quel débutant, et édité chez Scholastic pour la modique somme de 7,99 livres sterling (il faut donc se dépêcher de l’acheter avant que l’euro ne vaille plus rien du tout). Attention, il faut aller tout en bas de la page web pour trouver l’édition originale du livre ; en haut, vous pouvez vous faire vendre divers produits dérivés, y compris les anecdotes sur le tournage du film, on se demande qui ça peut bien intéresser ce genre de trucs.
A dire vrai, vous pouvez vous limiter aux deux premiers tomes, qui sont les seuls qui tiennent la route, le premier étant le meilleur des deux.
The Hunger Games, pour ceux qui ont été insensibles aux bandes annonces auxquelles même moi je n’ai pas réussi à échapper, se situe dans notre monde à une époque future, dans laquelle une partie des Etats Unis sont devenu une dictature connue sous le nom de Panem (les latinistes se réveillent !). Panem est divisé en 12 districts séparés les uns des autres par des forêts sauvages et inhospitalières, et entre lesquels les habitants ne sont pas autorisés à voyager. Le seul contact entre eux se fait pas le biais de la télévision, dont le but est d’anesthésier les esprits. Afin de maintenir une efficace pression sur les habitants, des jeux sont organisés chaque année, mettant aux prises un garçon et une fille tiré au sort dans chaque district, dans une arène gigantesque et recelant de multiples pièges, dont le but est de trucider tous les autres pour gagner, le tout sous l’oeil des caméras qui retransmette le spectacle complet à la télé. Le récit est particulièrement efficace pour deux raisons. D’abord, l’intrigue est resserrée autour de quelques personnages crédibles et bien plantés, psychologiquement complexes et en tout point humains. D’autre part, le monde décrit est lui aussi crédible: téléréalité et jeux du cirque sanguinaires. On a déjà vu de tels jeux par le passé et la téléréalité la plus abjecte, ma foi, c’est le lot des malheureux possesseurs d’un téléviseur (et en plus, ils paient 125 euros par an pour ça !). Enfin, toute l’intrigue tourne autour d’une action unique: la préparation et le déroulement des jeux. Bref, unité de temps, de lieu et d’action, les grammairiens du 17è siècle avaient déjà clairement énoncé ces règles efficaces. Le résultat est à la hauteur : c’est carrément flippant car c’est carrément crédible ! Sans compter qu’il y a la petite histoire d’amour pour les coeurs tendres et que le suspens est complet jusqu’au bout. Bref, une réussite inattendue pour un livre qui a donné lieu à un film à grand spectacle.
Le second tome a les mêmes qualités que le premier, même si l’effet de surprise est passé. Il relate ce qui se passe après les jeux. Les vainqueurs, sous l’oeil suspicieux et malveillant des autorités, doivent jouer leur rôle de star auprès du peuple. C’est une méthode bien connue : pour endormir les esprits, montrez leur des vedettes, surtout s’il s’agit d’un couple de jeunes et beaux amoureux. C’est une heureuse surprise que l’auteur ait réussi à écrire une deuxième séquence de jeux sans retomber dans la répétition et en maintenant un suspens quasi intact.
Malheureusement, le troisième tome n’est pas à la hauteur. La faute est claire : plus d’unité de lieu, plus d’unité d’action, plus d’imagination. La rébellion se lève, opportunément soutenue par un 13è district insoumis et puissamment armé, qui semble sortir de nulle part. Les batailles sont décrites à la va-vite, sans aucune crédibilité, la capitale de Panem est prise d’assaut en deux temps trois mouvements, à tel point qu’on s’étonne que ça n’ait pas pu arriver avant. Bref, c’est du grand guignol. A ce propos, il me semble que l’auteur se soit inspiré (pour ne pas dire ait plagié) au moins deux livres pour décrire cette bataille finale. La ville parsemée de pièges destinés à arrêter les assaillants, ça a déjà été fait, magistralement, par Robert Silverberg dans son excellent L’Homme dans le labyrinthe, et la prise d’une ville par une armée rebelle, c’est également déjà fait dans un esprit proche dans un assez mauvais livre de Raymond Feist nommé Silverthorn (à dire vrai, c’est le moins mauvais des 4 tomes de cette oubliable série). Je vous le dit d’emblée : la rébellion gagne, inutile de tout vous farcir. A la limite, contentez-vous du dernier chapitre pour savoir qui, de ses deux prétendants, l’héroine finit par choisir. C’est vrai, quoi, en fait, c’est la seule chose qu’on veut savoir dans ce dernier tome.